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jeudi 26 février 2015

Les forces armées lituaniennes


Ces jours-ci, le net a répété à l’envi, avec plus ou moins d’erreurs, que la Lituanie allait revenir à la conscription, en clair qu’elle allait rétablir le service militaire. Qu’en est-il exactement et à quoi ressemblent aujourd’hui les forces armées lituaniennes ? Le présent post essaye de répondre à ces deux questions.

Ms Dalia Grybauskaitė, chef des Armées

Le 24 février, le Conseil de Défense national lituanien s’est réuni sous la présidence de la Présidente de la République, Dalia Grybauskaitė. Prenant acte de la situation géopolitique actuelle, le Conseil a décidé qu’il était « nécessaire de rétablir temporairement, pendant une période de cinq ans, le service militaire obligatoire et de recruter chaque année pour une période de neuf mois environ 3500 citoyens lituaniens en âge d’être appelés » (entre 19 et 26 ans). Seraient également concernés les diplômés de l’enseignement supérieur jusqu’à l’âge de 38 ans.  

La Lituanie avait mis fin au service militaire en 2008. Dès l’automne, l’armée lituanienne deviendra donc mixte, à la fois composée d’appelés et d’engagés.

Aujourd’hui, la politique de défense de la Lituanie est fixée par un document appelé « Stratégie militaire de la République de Lituanie », publié par le Ministre lituanien de la Défense le 22 Novembre 2012.

M. Juozas Olekas, Ministre de la Défense

Le chef suprême des forces armées est le Président de la République, actuellement Ms Dalia Grybauskaitė. Le Gouvernement, le Ministre de la Défense (M. Juozas Olekas) et le Commandant en chef de l’Armée (Général de division Jonas Vytautas Žukas) sont responsables devant le Seimas (Parlement) de l’administration et de la direction des forces armées. 

Le Général de division Jonas Vytautas Žukas (au milieu)


L’armée lituanienne a une double responsabilité :
      # assurer la défense de la Lituanie
      # assumer une partie des responsabilités de sécurité et de stabilité de l’espace euro atlantique.

Pour remplir ces missions, la Lituanie dispose de Forces armées, fortes de 14 500 personnels, qui étaient tous des professionnels depuis Septembre 2008, plus 4 260 personnels volontaires.

"Chef, chef, c'est lui !"
Les forces armées sont articulées en :

      # Une armée de terre à 7 000 professionnels plus 4 200 volontaires, constituée principalement
-       d’une brigade mécanisée (3 bataillons d’infanterie mécanisée et un bataillon d’artillerie)
-       d’une brigade d’infanterie composée de 6 bataillons de volontaires « territoriaux » (au moins 20 jours par an) : 4 200 personnels. Les volontaires bénéficient de mesures incentives (notamment de la priorité pour obtenir des emplois publics)
-       d’éléments de brigade : 3 bataillons d’infanterie motorisée (d’active) et 1 bataillon du génie

# Une armée de l’air, basée à Šiauliai, à laquelle sont rattachées la surveillance et la défense anti aérienne. Seuls trois avions de transport C-27J Spartan peuvent être qualifiés de modernes. L’armée de l’air lituanienne avait également 6 avions d’entraînement L-39 Albatros tchèque, dont un a été accroché en vol en Août 2011 par un Mirage 2000-C de la mission OTAN de police du ciel des Etats baltes. L’Armée de l’Air lituanienne compte 1 000 personnels.

# Une marine comprenant principalement une flottille de combat (4 dragueurs de mines, 5 patrouilleurs), un système de surveillance côtière (radar) et des nageurs de combat, basés à Klaipėda.

# Un commandement de la logistique  (1 bataillon de soutien logistique, 1 bataillon médical, 1 bataillon du matériel, 1 centre de contrôle du mouvement, 1 centre cartographique)

# Le commandement des opérations spéciales, comprenant entre autres un bataillon de reconnaissance.

# Un bataillon de police militaire

# Un TRADOC commandement de l’entraînement et de la doctrine

# Des éléments d’armée (1 bataillon de commandement)

NB : les 5 400 gardes-frontière dépendent du Ministère de l’Intérieur.

Les équipements sont encore disparates :

# M-113 transférés des forces US en Allemagne entre 2000 et 2006
# HMMWV Hummer (US) et Land Rover (GB)
# Véhicules de soutien SISU 8 x 8 (Finlandais)
# BV-206 Hägglunds (Suédois)
# Mortiers de 120 mm sur châssis M-1064
# Obusiers de 105 mm
# Missile anti-aériens Stinger
# L’armement individuel de base est le Heckler & Koch G36 





samedi 14 février 2015

Aujourd’hui, c’est Užgavėnės en Lituanie


Užgavėnės est une tradition lituanienne qui a lieu durant la septième semaine qui précède Pâques, en principe la veille du Mercredi des cendres. Son nom signifie « le temps avant le Carême ». Cette célébration païenne correspond à la tradition catholique de Mardi gras et au Carnaval.

Toutefois, en Lituanie comme ailleurs, en semaine on travaille. C’est la raison pour laquelle Užgavėnės est généralement célébré ce week-end.

Le thème principal d’Užgavėnės est la victoire en apothéose du printemps (personnifié parKanapinis (l’homme de chanvre) sur l’hiver (Lašininis = le goret). Des diables, des sorcières, des chèvres, la « grande faucheuse », des bohémiens et d’autres personnages joyeux ou effrayants participent aux célébrations. Les festivités se terminent par la crémation d’une effigie de l’hiver, nommée Morė.  Le « slogan du jour est :

Žiema, žiema, bėk iš kiemo !
(Hiver, hiver, va-t-en de la cour !)



Il s’avère toutefois que ce n’est qu’un vœu pieux ……


Les célébrations les plus populaires ont lieu au Musée en plein air de Rumšiškės, près de Kaunas. Užgavėnės 2013: Morės deginimas Rumšiškėse :


dimanche 8 février 2015

Conférences en Lituanie en mars 2015


C’est devenu quasiment traditionnel : je vais me rendre bénévolement en Lituanie (et en Lettonie) du 20 au 27 mars 2015 pour notamment faire trois conférences à l’occasion de la Fête de la Francophonie.

Je ferai en deux jours trois conférences sur trois sujets différents :

Le 24 mars à 18H00 à Kaunas : « Trois nobles françaises dans la Lituanie du XVIIe siècle : Louise-Marie de Gonzague, Marie-Casimire de la Grange d’Arquien et Claire-Isabelle de Mailly-Lascaris ». La conférence se déroulera dans la salle 213, au sous-sol de la Faculté des Sciences Sociales et Humaines de l’Université de Technologie de Kaunas (KTU), 37 rue Adomas Mickevičius. La traduction en Lituanien sera assurée par Birutė Strakšienė.

Le monastère de Pažaislis

Louise-Marie de Gonzague-Nevers fut Reine de Pologne – Grande-duchesse de Lituanie, car épouse successive de deux Rois de Pologne, Ladislas IV Vasa, puis de son frère Jean II Casimir Vasa (un cardinal de Jésuites …..). Marie-Casimire de la Grange d’Arquien fut, elle, l’épouse du Roi de Pologne Jean III Sobieski (celui qui arrêta les Turcs à Vienne le 13 septembre 1683). Enfin, Claire-Isabelle de Mailly-Lascaris épousa le comte Kristupas Zigmantas Pacas, le fondateur du monastère de Pažaislis près de Kaunas. A noter qu’un frère de Claire-Isabelle, Jean Lascaris, d’abord Colonel au service de Jean II Casimir, deviendra Général de l’Armée grand-ducale de Lituanie.

Le 25 mars à 13H30, à l’Ecole Française de Vilnius : « La Première Guerre mondiale dans les Etats baltes ». L’exposé est réservé aux élèves de l’Ecole.

Troupes allemandes à Riga en 1916

Le 25 mars à 18H00, à l’Institut Français de Vilnius : « L’aide de la France aux guerres d’indépendance des Etats baltes (1918 – 1920) ». La conférence se fera uniquement en Français.

La France a été peu présente dans la région balte au cours de la première Guerre mondiale. Il faut dire qu’elle était très occupée sur le front de l’ouest, mais aussi dans les Dardanelles. Par contre, un certain nombre d’Officiers français ont eu un rôle déterminant dans les guerres qui ont suivi, guerres au cours desquelles les jeunes Etats baltes ont dû combattre pour asseoir leur indépendance.

Les sous-marins Ronis et Spidola construits par les chantiers navals français pour la Marine lettone 


NB : Rien n’indique que je pérenniserai de telles conférences en 2016 




lundi 2 février 2015

Talleyrand, Dorothée de Courlande et le château de Rochecotte

Charles-Maurice de Talleyrand au Congrès de Vienne
Le 2 février 1754 (il y a donc 261 ans) naissait à Paris Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, Prince de Bénévent, éphémère évêque d’Autun, Président de l’Assemblée Nationale puis Ministre des Relations extérieures sous la Révolution, toujours Ministre des Relations extérieures sous le Directoire, le Consulat et l’Empire jusqu’en 1807, poste qu’il retrouvera brièvement à la Restauration. Surnommé « le diable boiteux », les opinions le concernant vont de « traître cynique » à « dirigeant pragmatique et visionnaire ».

Le Congrès de Vienne

C’est en tant que Ministre des Affaires Etrangères sous la Première Restauration de Louis XVIII (13 mai 1814 – 20 mars 1815), puis sous la Seconde Restauration (9 juillet 1815 – 26 septembre 1815) qu’il va jouer un rôle essentiel au Congrès de Vienne (18 septembre 1814 – 9 juin 1815). Bien que la France ait été vaincue, Talleyrand obtient de pouvoir assister aux réunions des quatre grands, l’Autriche, la Prusse, le Royaume Uni et la Russie et réussit à « limiter les dégâts ».  

Edmond de Talleyrand-Périgord

Charles-Maurice de Talleyrand avait marié son neveu, Edmond de Talleyrand-Périgord (1787 – 1872)  avec Dorothée von Biron, princesse de Courlande (1793 – 1862), les 21 et 22 avril 1807 à Francfort-am-Main. La jeune fille était officiellement la fille de Peter von Biron, dernier Duc souverain de Courlande (1724 - 1800) et de sa troisième épouse, Dorothée von Medem. Son véritable père semble être toutefois le comte Batowski, un aristocrate polonais, mais le duc Peter reconnaîtra sa fille.  

Dorothée de Dino

Le mariage de la jeune Dorothée (en 1807 elle n’avait que 14 ans) fut malheureux, Edmond semblant être plus occupé par le jeu, la guerre et les femmes (mais pas la sienne). Malgré trois enfants, le couple se séparera en 1818. Mais la jeune Dorothée avait dès le Congrès de Vienne pris une part importante dans la vie de son oncle par alliance, Charles-Maurice de Talleyrand. Elle joue le rôle de maîtresse de maison au palais Questenberg-Kaunitz où son oncle réside pendant le Congrès.

Le 2 décembre 1817, Talleyrand (l’oncle) est doté par le Roi des Deux-Siciles du titre de Duc de Dino, immédiatement transmissible. Dorothée devient ainsi Duchesse de Dino, titre sous lequel on la désigne de façon à la distinguer de sa mère.  

Le 3 juillet 1820, Talleyrand quitte Paris pour son château de Valençay (qu’il avait acheté en 1803), accompagné de Dorothée désormais Duchesse de Dino qui est enceinte de son troisième enfant, Pauline, dont la paternité est parfois attribuée à l’oncle Charles-Maurice ……

Le château de Rochecotte

En 1828, la Duchesse de Dino achète le château de Rochecotte à Saint-Patrice (à quelques kilomètres de ma résidence actuelle) au chevalier René de la Selle de Ligné pour 400 000 Francs de l’époque. Elle aurait fait son choix en raison de la toute relative proximité de Valençay. Charles-Maurice aimait y séjourner : « Je m’y plais beaucoup, écrit-il. La vie qu’on y mène, l’air qu’on y respire, la politique qui reste au loin, tout m’y convient et surtout c’est que j’y suis non seulement avec Madame de Dino , mais chez elle. » Et parmi ses visiteurs, on peut citer Balzac et Thiers.

La fille de Dorothée, Pauline (1820 – 1890), épouse du marquis de Castellane en héritera et le château restera dans la famille de Castellane jusqu’en 1978. Le fameux dandy et homme politique Boni de Castellane, fils de Pauline, y passera son enfance. Rochecotte est aujourd’hui devenue une hostellerie de luxe où l’on continue à perpétuer cet art et cette douceur de vivre qui était si chère à la Duchesse de Dino.

Pour en savoir plus sur Dorothée de Dino et Rochecotte :
http://www.talleyrand.org/lieux/chateau_de_rochecotte.html

Détail de plafond à Rochecotte avec, en médaillon, un portrait de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord





dimanche 1 février 2015

Lettonie : la Latgale, futur Donbass ?


Il y a quelques jours sont apparus sur les réseaux sociaux des images du drapeau légal de la Latgale mais avec l’inscription en Russe « République Populaire de Latgale », ainsi que des cartes de la Lettonie où le territoire d’une Latgale séparée était recouvert du même drapeau.



Mais qu’est-ce que la Latgale ? Et y a-t-il des risques pour qu’on y voie apparaître une sécession instrumentalisée comme dans le Donbass ?

La Latgale est une des quatre régions administratives mais aussi historique de la Lettonie (les trois autres étant la Kurzeme, la Zemgale et la Vidzeme). Sa superficie est de 14 600 km2, soit 22,6 % de la Lettonie. Son chef-lieu est Daugavpils (110 000 habitants). La population de Daugavpils est majoritairement composée de Russes ethniques (environ 53 %) ; à titre de comparaison les Russes sont 42 % à Riga et en moyenne 27 % dans l’ensemble de la Lettonie. Cette multiethnicité est due à l’histoire de la région, différente de celle du reste de la Lettonie.

A l’origine, le territoire actuel de la Latgale était habité par des tribus baltes orientales, dont le langage donnera naissance au Latgallien moderne (encore parlé) et au Letton. Comme le reste de la Lettonie, la Latgale a subi les invasions de tous ses voisins. Le tournant se produisit pendant le Guerre de Livonie (1558 – 1583), pendant laquelle la Latgale fut annexée (1559) par le Grand-duché de Lituanie. Le Tsar Ivan IV (le Terrible) y renonça définitivement en 1582 par la Trêve de Jam Zapolski.

En 1621, alors que la plus grande partie de la Livonie était cédée à la Suède, la Latgale resta vassale de la République des Deux-Nations polono-lituanienne. Elle sera connue depuis lors sous le nom d’Inflantie polonaise. C’est à cette époque que le dialecte Latgallien sera influencé par le Polonais et se développera séparément du Letton. Cette longue période polono-lituanienne (1559 – 1772) explique également pourquoi la Latgale soit restée en grande partie catholique. En 1772, la Latgale fut annexée par l’Empire russe et en 1865 commença une période de russification pendant laquelle le Latgallien (écrit en écriture latine) fut interdit (de 1871 à 1904).

Tatjana Ždanoka (à gauche)

En septembre 2014, un membre du Parlement letton avait signalé que des activistes pro-russes faisaient du porte-à-porte à Daugavpils. A l’époque on avait accusé l’Union russe de Lettonie (nouveau nom depuis les élections européennes de 2014 de  Pour les droits de l'homme dans une Lettonie unie / PCTVL en letton) de Tatjana Ždanoka, député européen, « observateur » au « référendum » du 16 mars 2014 en Crimée.

En novembre, c’est le maire de la petite ville latgallienne de Kraslava qui faisait état également d’opérations de porte-à-porte, y compris dans les écoles et dans les administrations, par des militants prônant la sécession de la Latgale et son rattachement à la Russie.

Dans le cas des images signalées sur internet, la Police de Sécurité lettone (Drošības policija) orienterait ses investigations vers l’activiste pro-russe, leader du parti non reconnu national-bolchevique Vladimir Linderman (non-citoyen letton).

Vladimir Linderman

Un scénario comme dans le Donbass est-il à redouter ? Ce sera moins facile dans la mesure où la Lettonie est membre de l’UE et de l’OTAN. En cas d’agression, même par « petits hommes verts », on se rappellera l’article 5 du Traité de Washington : « Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties ». Mais, avec un Vladimir Poutine passé maître dans l’art de la maskirovka  (terme qui regroupe à la fois camouflage, dissimulation, tromperie, désinformation), on peut s’attendre à tout !