Pages vues le mois dernier

mardi 23 septembre 2014

Quand la Russie « bizute » les Etats baltes


Il y a quelques jours, Vladimir Poutine aurait déclaré (propos rapportés par le Süddeutsche Zeitung) : « Si je voulais, les troupes russes pourraient arriver en deux jours, non seulement à Kiev, mais aussi à Riga, Vilnius, Tallinn, Varsovie et Bucarest ».

Dans les Etats baltes, cette déclaration vient renforcer des craintes élevées que la Russie n’y rejoue le scénario qui a servi à l’invasion de la Crimée en mars et de l’est de l’Ukraine en août, à savoir la « protection » des Russes ethniques et des russophones.  

Ces craintes ont été étayées par une succession d’incidents.

Le 5 septembre 2014, en Estonie, un Officier du service estonien de sécurité intérieure, Eston Kohver, a été kidnappé « par des inconnus » venant de Russie. Ce matin-là, l’Officier attendait, en forêt à proximité du poste-frontière de Luhamaa, côté estonien, un informateur dans le cadre d’une enquête sur un réseau de contrebandiers. Emmené de force à Moscou, le FSB l’a accusé d’avoir été en réalité sur le territoire russe, d’être en possession d’une arme, de 5 000 € et « d’appareils faisant penser à une mission d’espionnage. Inculpé, il risque 20 ans de prison. En pleine crise ukrainienne, deux jours après la visite de Barak Obama à Tallinn, au dernier jour du sommet de l’OTAN au Pays de Galles, cet enlèvement est perçu comme une provocation faite à l’OTAN.

L'Officier estonien Eston Kohver

Au même moment, le 8 septembre 2014, la Russie a rouvert un dossier vieux de 24 ans : celui des jeunes Lituaniens qui, après la déclaration formelle de retour à l’indépendance de la Lituanie, ont quitté l’armée soviétique ou ont refusé de la rejoindre. Le Procureur général de Lituanie a reçu une demande d’assistance de la Russie pour retrouver ces « déserteurs » de l’armée rouge, mais il n’y a pas été donné suite car les faits ne sont – bien évidemment – pas considérés comme criminels en Lituanie. D’après le Ministère lituanien de la Défense, 1 562 jeunes gens ont refusé de servir dans l’armée soviétique après le 11 mars 1990. 67 ont été incorporés de force, 20 furent mis en prison, les autres furent obligés de se cacher pour fuir la répression des autorités d’occupation soviétiques. Il leur a été conseillé de ne pas quitter le territoire de la Lituanie ou de l’Union Européenne.

On soulignera au passage que :
      # Forcer des gens à servir dans une armée d’occupation est un crime aux yeux de la loi internationale (il est vrai que la Russie n’a jamais reconnu avoir occupé les Etats baltes……)
      # Le 29 juillet 1991, la République soviétique socialiste de Russie et la République de Lituanie ont signés un traité reconnaissant la souveraineté de l’Etat lituanien sur la base de sa déclaration d’indépendance du 11 mars 1990. Il est vrai que la Russie nous a désormais habitués à ne pas respecter les traités.

Le 13 septembre 2014, à l’occasion d’une conférence régionale, réunissant à Riga (Lettonie) les Russes des Etats baltes, le Ministre russe des Droits de l’Homme et de la Démocratie (sic), Konstantin Dolgov, a appelé la communauté internationale à protéger les droits des russophones en Estonie et en Lettonie. Il a dénoncé au passage la résurgence du néonazisme et de la xénophobie, employant la même rhétorique imaginaire qui avait déjà servi à l’invasion de la Crimée et du Donbass.

Enfin, le dernier incident sérieux est survenu le 18 septembre 2014 et concerne la Lituanie. Un navire de pêche lituanien, le Jūrų Vilkas (Loup des mers), avait été arraisonné en Mer de Barents (il s’avère désormais que c’était dans les eaux internationales) et remorqué de force dans le port de Mourmansk, le capitaine lituanien ayant refusé de le faire de son plein gré, même sous la menace d’une arme. On notera une fois de plus que cet incident est survenu, comme par hasard, alors que le Comité militaire de l’OTAN se réunissait à Vilnius.

Le Jūrų Vilkas 
  
Tous ces incidents se déroulent sur fond d’intensification de la présence de navires de guerre et d’avions militaires russes autour de la Baltique. A titre d’exemple, jusqu’à présent, les avions russes s’approchaient de la frontière lettone une dizaine de fois par an. Cette année, on compte déjà 140 approches ! Et non seulement les Etats baltes, mais la Finlande, la Suède, la Grande-Bretagne et même l’Alaska ont été concernés !

Ces provocations répétées ont-elles pour seul but d’intimider les Etats baltes et de les inciter à s’éloigner de l’OTAN (il semblerait que ce soit le contraire qui se passe …..). Ou préparent-ils, comme dans un remake de juin 1940, une invasion ? Contrairement à certains, je pense que Poutine, qui n’a – pour l’instant - pas le souci de sa réélection ni de son opinion publique, sait très bien où il va mais que l’Occident a, lui, toujours plusieurs temps de retard.

A suivre de près donc !









2 commentaires:

  1. entendu ce matin cette émission qu'il est possible de ré-écouter en ligne (pdt 3 ans) ou d'enregistrer (pdt 1 an - podcast):
    http://www.franceculture.fr/emission-concordance-des-temps-les-pays-baltes-survivre-et-durer-2014-09-27

    RépondreSupprimer
  2. Oui, merci, on me l'avait signalé par ailleurs. Le fait que l'invité soit Julien Gueslin est un gage de sérieux.

    RépondreSupprimer