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vendredi 23 août 2013

Le jour où se tenir par la main a changé le monde


Le 23 Août 1989, en pleine occupation soviétique, deux millions d’Estoniens, Lettons et Lituaniens se sont donné la main sur plus de 600 km, entre Vilnius et Tallinn via Riga. Le but de cette chaîne humaine (en Estonien Balti kett, en Letton Baltijas ceļš et en Lituanien Baltijos kelias) était d’attirer l’attention du monde sur le Pacte Molotov – Ribbentrop du 23 Août 1939 par lequel les deux puissances totalitaires du XXe siècle, l’Allemagne nazie et la Russie soviétique, s’étaient partagé l’Europe de l’Est. 



Tout avait commencé le 23 Août 1986 où le « Black Ribbon Day », destiné à attirer l’attention sur les violations des droits de l’homme, s’était tenu dans 21 villes de par le monde. En 1987, on comptait 36 villes dont Vilnius, Riga et Tallinn. En 1988, pour la première fois, les autorités occupantes ne procédèrent pas à des arrestations. Ce qui encouragea les organisateurs baltes, Rahvarinen en Estonie, le Front Populaire de Lettonie et Sajūdis en Lituanie de frapper un grand coup pour le 50ème anniversaire du Pacte Molotov – Ribbentrop. Mais que l'on s'imagine les trésors d'ingéniosité qu'il a fallu déployer pour organiser un tel événement au nez et à la barbe des occupants soviétiques !  

Le Pacte Molotov – Ribbentrop (officiellement « Traité de non-agression entre l’Allemagne et l’Union soviétique ») contenait en effet des protocoles secrets, qui partageaient la Finlande, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Roumanie, tous Etats souverains, entre les deux « zones d’influence » de l’Allemagne nazie et de l’URSS. C’est conformément à ces protocoles que l’Allemagne put envahir la Pologne par l’ouest dès le 1er Septembre 1939, puis l’URSS le faire par l’est le 17 Septembre. C’est tout aussi conjointement qu’à la mi-juin 1940, pendant que l’Allemagne, tranquille à l’est, envahissait la France, l’URSS put occuper et annexer les Etats baltes, la Bessarabie et le nord de la Bukovine.



Le texte du Traité et des protocoles secrets, sauvés sur microfilms, n’apparurent officiellement  qu’à la fin de 1947, mais les autorités soviétiques nièrent ces dernier jusqu’en 1989. Staline fit même publier en 1948  « Les falsificateurs de l’histoire », livre dans lequel il prétendait qu’au contraire il s’était opposé à Hitler à propos de ce découpage de l’Europe et dans lequel il dénonçait dans les accords de Munich de 1938 un complot pour agresser l’Union soviétique.

Et c’est justement cette « Voie balte » qui permit que l’Union soviétique change sa politique de négation vis-à-vis de l’existence des protocoles secrets. Car la presse occidentale se fit l’écho de cette manifestation qui témoignait d’un problème, non seulement politique, mais aussi moral, que des Baltes solidaires (environ ¼ de toute la population des trois Etats) avaient exprimé pacifiquement. Suite à cette chaîne, Mikhaïl Gorbatchev donna l’ordre à Alexander Yakovlev d’enquêter sur l’existence des protocoles. En Décembre 1989, la commission concluait à l’existence des protocoles, mais il fallut encore attendre début 1993 pour que la copie de la version russe soit publiée dans un journal scientifique.



Depuis 2009, le 23 Août est officiellement le Jour du souvenir des victimes du stalinisme et du nazisme dans l’Union Européenne. Quelqu’un s’en est-il soucié en France aujourd’hui ?

En 2009 également, la Voie Balte fut inscrite au registre de l’UNESCO « Mémoire du Monde » en tant que « manifestation unique et pacifique qui a uni les trois pays dans leur marche pour la liberté ».




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