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vendredi 30 novembre 2012

Exposition : La Lituanie dans les cartes du XVe au XVIIIe siècle

La région baltique en 1478


Le 9 Février 2012, le Ministre de la culture français de l’époque, Frédéric Mitterrand, avait présenté avec son homologue lituanien, Arūnas Gelūnas, aujourd’hui représentant permanent de la Lituanie à l’UNESCO, le cycle de manifestations destinées à mieux faire connaître les richesses culturelles de la Lituanie tout au long de l’année 2012. Ce cycle avait reçu le nom de « Voyage en Lituanie ».

Dans ce cadre, les Archives nationales françaises présentent à l’Hôtel de Soubise (60 rue des Francs-Bourgeois, 75003 Paris) une exposition de cartes anciennes (XVIe-XVIIe siècles) et de photographies contemporaines (XXe siècle) permettant d’appréhender le territoire et les paysages de la Lituanie. Cette exposition reprend en partie celle qui avait eu lieu à Vilnius en 2009.

L'Hôtel de Soubise, siège des Archives Nationales

Cette exposition se tiendra du 12 décembre 2012 au 11 février 2013 au rez-de-chaussée de l’Hôtel de Soubise. Ouverture du lundi au vendredi de 10H à 17H30 et le samedi et le dimanche de 14H à 17H30. Fermeture le mardi et les jours fériés.

Je suis invité et je me rendrai à l’inauguration de l’exposition le 11 Décembre soir. Je ne manquerai donc pas de vous en parler.  





mercredi 28 novembre 2012

Le Général Éblé et les pontonniers, héros de la Bérézina



La bataille de la Bérézina a eu lieu il y a 200 ans, du 26 au 29 Novembre 1812. Depuis le 18 Octobre, la Grande Armée retraite depuis Moscou. Les Russes (Koutouzov, Wittgenstein, Tchitchagov) attendant les Français  à Borisov, où ils ont détruit les ponts sur la rivière Bérézina.

Mais Napoléon ne fait qu’une manœuvre de diversion vers Borisov, alors que le franchissement de la Bérézina se prépare 15 km en amont, face au village de Studienka, où le Général Corbineau a identifié un passage possible.  

Dans l’après-midi du 25 Novembre, le Général Jean-Baptiste Eblé (1757 – 1812), commandant en chef des équipages de pont à la grande armée, est à pied d’œuvre à Studienka avec ses pontonniers. Paradoxalement, il ne fait pas suffisamment froid pour que la Bérézina soit gelée, mais elle charrie de grands blocs de glace, et les pontonniers travaillent dans l’eau jusqu’à la poitrine, utilisant le bois des maisons du village (quelques jours plus tôt, à Orscha, Napoléon avait donné l’ordre à Eblé de détruire ses deux équipages de ponts, des bateaux transportés sur des voitures). Dès le 26 en début d’après-midi, un pont pour piétons était prêt, alors qu’il avait neigé toute la nuit. Le second pont est terminé dans l’après-midi.

C’est l’infanterie et l’artillerie du Corps du Maréchal Oudinot qui passe en premier, afin d’arrêter toute éventuelle attaque des Russes sur la rive droite. C’est dans la nuit du 26 au 27 que l’Amiral Tchitchagov s’apercevra de son erreur, mais il ne prendra l’offensive que le 28 matin. Il se heurtera aux forces des Maréchaux Oudinot et Ney, avec les 9 000 Polonais des Généraux Joseph Zajonchek, Jean Henri Dombrowski et- Charles Kniaziewicz et devra se replier. Sur la rive gauche, le Maréchal Viktor, avec 10 000 hommes, arrête toute l’Armée de Wittgenstein sur les hauteurs de Studienka.

Ce sont en fait les unités combattantes, l’Etat-major et l’artillerie qui vont pouvoir passer la Bérézina. Jusqu’au dernier moment, le Général Eblé ne ménagera pas sa peine pour inciter les traînards à passer les ponts pendant la nuit. Le 29 Novembre au matin, après avoir reporté l’échéance autant que possible, les ponts sont incendiés entre 8H30 et 9H, afin de protéger la retraite des unités combattantes. Il y aura 45 000 morts et prisonniers parmi ces traînards.  

Parmi les 400 hommes qui ont construit les ponts, seuls le capitaine George Diederich Benthien, commandant des pontonniers, le sergent-major Schroder et six de leurs hommes survivront à la bataille.

Le mot de « bérézina » est passé dans le langage courant comme synonyme de déroute, d'échec cuisant. Mais c’est injuste car ce fut une victoire de la Grande Armée. Citons jean Tulard, historien spécialiste de Napoléon : « … la bataille de la Berezina fut, dans des conditions difficiles, une victoire française illustrée par l'action héroïque du Général Eblé [...] Napoléon et le gros de ses forces ont échappé à la manœuvre de Tchitchagov et de Wittgenstein qui laissent beaucoup d'hommes sur le terrain. Ce succès n'aurait pas été possible sans l'héroïsme du général Éblé et de ses pontonniers. »

Le Général Eblé s’était jeté lui-même à l’eau pour donner l’exemple à ses pontonniers. Il mourra le 31 Décembre 1812 à Königsberg (Kaliningrad) et il y fut enterré dans l’église catholique. Son cœur a été transféré dans la crypte des Invalides.

mardi 27 novembre 2012

Arūnas Gelūnas, nouvel Ambassadeur de Lituanie à l’UNESCO



M. Arūnas Gelūnas, ancien Ministre de la Culture, a rejoint hier, 26 Novembre 2012, son nouveau poste de Délégué permanent (= Ambassadeur) de Lituanie auprès de l’UNESCO à Paris. Le décret signé du Président Grybauskaitė ayant fixé cette date du 26 Novembre, mais le nouveau gouvernement n’était pas encore formé, c’est le Ministre de l’Education et des Sciences, Gintaras Steponavičius qui assurera l’intérim au gouvernement. 

Il n’y avait plus de Délégué lituanien à l’UNESCO depuis le départ d’Ina Marčiulionytė en 2009. Madame Violeta Baltrusyte, que je salue amicalement, avait assuré l’intérim à la Délégation lituanienne de l’UNESCO avec dévouement et gentillesse.  

M. Gelūnas est né le 13 Décembre 1968 à Kaunas et y a étudié jusqu’à l’âge de 18ans. De 1988 à 1994, il a étudié l’art graphique à l’Académie des Arts de Vilnius (Vilniaus dailės akademija). De 1995 à 1997, il a étudié la peinture japonaise à l’Université Nationale des Arts et de la musique de Tokyo. De 1997 à 2001, il passe un Doctorat de philosophie à l’Université Vytautas Magnus (VDU) de Kaunas centré sur la philosophie de Merleau-Ponty.

A partir de 1997, M. Gelūnas mène deux carrières parallèles dans le domaine des arts et de la philosophie. De 2004 à 2010, il a notamment été vice recteur de l’Académie des Arts de Vilnius. Il parle six langues : Lituanien, Russe, Anglais, Français, Polonais et Japonais. Il est membre de l’Union des Artistes de Lituanie.
C’est le 2 Juillet 2010 que le Président Dalia Grybauskaitė le nomme Ministre de la Culture. C’est à ce titre que je l’avais rencontré et pu m’entretenir (en Français) avec lui le 9 février 2012, à l’occasion du lancement du cycle culturel « Voyage en Lituanie », dans les salons du Ministère français de la culture. J’espère modestement avoir la chance de pouvoir le rencontrer à nouveau.

M. Arunas Gelunas et M. Frédéric Mitterrand


Dans une de ses récentes déclarations, M. Gelūnas a indiqué qu’une de ses priorités serait de chercher la reconnaissance par l’UNESCO de certains éléments remarquables du patrimoine lituanien comme la vieille ville de Kaunas, la personnalité et les œuvres de M.K Čiurlionis, les églises en bois de Samogitie, la Colline des Croix, le mouvement de résistance et le Musée du Génocide, et enfin les œuvres de Kristijonas Donelaitis.   

Mme Violeta Baltrusyte

lundi 26 novembre 2012

Monseigneur Borys Gudziak, exarque au service des Ukrainiens en France



Mgr Borys Gudziak
Le 21 Juillet 2012, le Pape Benoît XVI a nommé Monseigneur Borys Gudziak «Exarque apostolique pour les Ukrainiens gréco-catholiques de France et Délégué pour la Belgique, les Pays-Bas, le Grand-duché de Luxembourg et la Suisse ». Le but de ce post est d’expliquer quelle est la place de l’Eglise grecque-catholique ukrainienne et surtout qui est Mgr Gudziak.

L’Eglise grecque-catholique ukrainienne est une des Eglises catholiques orientales. A ce titre, elle reconnaît la primauté de l’évêque de Rome (le Pape) et accepte la théologie de l’Eglise catholique, mais elle utilise les rites liturgiques orientaux et peut ordonner des prêtres mariés. C’est une Eglise archiépiscopale majeure, c’est-à-dire que l’Archevêque majeur est élu par le synode des évêques, mais que son élection doit être confirmée par le Pape. Depuis le 23 Mars 2011, Mgr Sviatoslav Shevchuk est l’Archevêque majeur de Kyiv et de Galicie.

Sa Béatitude Mgr Sviatoslav Shevchuk


Historiquement, elle est issue d’une partie de l’Eglise orthodoxe des provinces ruthènes de la République des Deux Nations polono-lituanienne, qui, par l’Union de Brest-Litovsk de 1596, scella son allégeance à Rome et entraîna une rupture des relations avec l’Eglise (orthodoxe) de Constantinople.

L’Eglise grecque-catholique ukrainienne est organisée en plusieurs archéparchies, éparchies et exarchats. Le siège de l’exarchat apostolique de France, du Benelux et de Suisse a été créé le 22 Juillet 1960 et est à Paris. Sa cathédrale est Saint-Volodymyr-le-Grand, dans le 6e arrondissement de Paris.

La Cathédrale Saint-Volodymyr-le-Grand


Nommé le 21 Juillet, Monseigneur Borys Gudziak sera intronisé le 2 Décembre 2012 par Sa Béatitude Sviatoslav Schevchuk en la Cathédrale Notre-Dame de Paris. La cérémonie sera présidée par Monseigneur André Vingt-Trois, cardinal archevêque de Paris.

Né le 24 Novembre 1960 à Syracuse (Etat de New York, USA) d’une famille d’origine ukrainienne, le nouvel exarque a fait pour ses études des allers-retours entre les Etats-Unis, l’Ukraine et Rome. Il est notamment titulaire d’un doctorat à Harvard en études slaves et byzantines, mais aussi de doctorats en philosophie, biologie et théologie. Il s’installe en Ukraine en 1992 où il fonde l’Institut d’Histoire de l’Eglise. Il est chargé de la réouverture de l’Académie théologique de Lviv en 1994, laquelle devient en 1996 l’Université catholique d’Ukraine et dont il sera le premier recteur. Il ne sera ordonné prêtre que tardivement, le 26 Novembre 1998, Mgr Gudziak est nommé évêque le 21 Juillet 2012.  

Mgr Borys Gudziak est l’auteur de plus de 50 études sur l’histoire de l’Eglise, sur la formation théologique et sur des thèmes d’actualité sociale. Le mardi 27 Novembre à 10H30, il donnera une conférence de presse à la Cathédrale Saint-Volodymyr-le-Grand, au 51 rue des Saints-Pères / 186 boulevard Saint-Germain, Paris 6e. Thème : « L’Eglise Greco-Catholique ukrainienne en Occident. Si vous souhaitez y participer, contactez d’urgence secretariat.exarchat.ukrainien@gmail.com  



dimanche 25 novembre 2012

La Lituanie et les hydrocarbures de schiste



De tous temps, la possession de l’énergie a été la clé de la puissance et de la richesse. Ce fut le cas du charbon en Angleterre au XIXe siècle et du pétrole aux Etats-Unis au début du XXe siècle. Si l’économie russe fait encore illusion aujourd’hui, et lui permet de garder dans la sujétion la plupart des Etats de l’est de l’Europe, c’est grâce à son gaz et à son pétrole.

Un rapport récent de l’Agence Internationale pour l’Energie (AIE), même s’il doit être pris avec une certaine circonspection, souligne une évidence : les pays qui pourront dans l’avenir exploiter les gaz de schiste (gaz naturel extrait de terrains schisteux) augmenteront leur indépendance énergétique. L’AIE prédit que, grâce à ça, les Etats-Unis deviendront en 2015 les premiers producteurs de gaz au monde, devant la Russie, et, en 2017, les premiers producteurs de pétrole, devant même l’Arabie Saoudite. Couplée à des mesures de réduction de consommation, l’exploitation des hydrocarbures de schiste devrait permettre aux Etats-Unis d’atteindre l’indépendance énergétique vers 2030, alors qu’ils importent aujourd’hui 20 % de leur consommation.


Pour le réseau d’audit KPMG, en Europe centrale et orientale, ce sont la Pologne, la Roumanie et l’Ukraine qui ont le plus fort potentiel de développement grâce au gaz de schiste. Elles sont suivies de la Lituanie, de la Hongrie et de la Bulgarie. La Pologne aurait, avec la France, les réserves les plus importantes en Europe. La Lituanie aurait quant à elle des réserves qualifiées de significatives, dans un environnement favorable aux investissements.

Selon les estimations, la Lituanie pourrait receler dans son sous-sol 113 milliards de m3 de gaz de schiste. A l’aune de la consommation actuelle de gaz (3,4 milliards de m3), la Lituanie pourrait se passer de fournisseur actuel et unique de gaz, Gazprom, pendant une bonne trentaine d’années. L’exploration a déjà commencé en Mai 2012 dans la région de Šilutė (ouest de la Lituanie) par la société Minijos nafta (joint venture entre la Lituanie et le Danemark).

La Lituanie pourrait annoncer un appel d’offre international pour explorer et exploiter le gaz de schiste dans d’autres zones. L’américain Chevron (deuxième producteur des Etats-Unis derrière Exxon, qui a acheté dans ce but 50 % de la compagnie d’extraction lituanienne LL Investicijos), la  deuxième société lituanienne, Lotos Geonafta, contrôlée par le Polonais Lotos, et la troisième société lituanienne, Manifoldas, sont intéressées. 

En France, le gaz de schiste est tabou que ce soit à droite ou à gauche, la fracturation hydraulique menaçant de pollution les nappes phréatiques. Non seulement son exploitation est interdite par la loi (Juillet 2011), mais toute étude pour améliorer l’extraction est et reste interdite, en dépit des recommandations du rapport Gallois. Les pays exportateurs de gaz naturel en France (Norvège : 36,8 %, Pays-Bas : 16,8 %, Russie : 16,1 %, Algérie : 15,4 % - chiffres de 2010) se frottent les mains !   

Les opinions publiques européennes sont en fait divisées entre celles qui redoutent la technique de fracturation et celles qui redoutent Gazprom. Mais le futur gouvernement lituanien, réputé plus  russophile que le précédent, gardera-t-il le même cap ?  

samedi 24 novembre 2012

Commémoration des victimes de l’Holodomor




La famine et le génocide ukrainiens de 1932 – 1933, connus sous le nom d’Holodomor,  occupent une tragique place à part dans l’histoire de l’Ukraine, mais aussi de l’Europe. Contrairement à ce que certains voudraient encore faire croire aujourd’hui, l’extermination de millions de paysans ukrainiens par une faim artificielle, a été un acte conscient et délibérément déclenché par le régime soviétique de Joseph Staline en vue d’anéantir systématiquement les aspirations du peuple ukrainien à la liberté et à l’indépendance.

Pendant les décennies qui ont suivi cette tragédie, ses raisons et son ampleur ont été passées sous silence, voire déformées, par le pouvoir soviétique. Ce n’est qu’après l’accession de l’Ukraine à l’indépendance que la vérité a été révélée.  

Le 26 Novembre 1998, le Président ukrainien Leonid Koutchma a pris un décret présidentiel désignant le quatrième samedi de Novembre comme Jour national du souvenir en mémoire des victimes de cette grande famine.

Le 28 Novembre 2006, de Parlement ukrainien a voté pour la reconnaissance de l’Holodomor comme un génocide contre le peuple ukrainien. A ce jour, 24 pays (dont les 3 Etats baltes), ont reconnu l’Holodomor comme génocide. Pas la France.

Le quatrième samedi de Novembre a été reconnu par les communautés ukrainiennes dans le monde comme le jour choisi pour se souvenir des victimes de l’Holodomor et pour promouvoir les libertés fondamentales d’une société démocratique. Si les cérémonies ont de facto eu lieu le week-end  dernier à Paris, un dépôt de gerbe a eu lieu cet après-midi à Lyon au Mémorial de tous les génocides, suivi demain à 10H00 d’une liturgie à l’église Saint Athanase de Villeurbanne.

Demain, dimanche 25 Novembre, une minute de silence, précédée de l’allumage de bougies, sera respectée par les Ukrainiens et leurs amis, où qu’ils soient dans le monde, de 19.32 à 19.33. A Paris, la cérémonie devrait avoir lieu sur les marches du Sacré-Cœur.


Il est important que de tels crimes soient révélés, que la mémoire des victimes soit conservée et que la souffrance des Ukrainiens soit reconnue, afin que de telles tragédies, décidées au nom d’une idéologie mortifère, ne se reproduisent plus.     







vendredi 23 novembre 2012

23 Novembre 1851 : naissance de Jonas Basanavičius

Jonas Basanavičius


Je pense que je ne me tromperais guère en affirmant que chaque ville lituanienne a sa rue Basanavičius. Mais qui était donc ce personnage une fois de plus méconnu en France, au point de n’avoir exactement qu’une ligne et demie dans le Wikipedia en Français ?!

Jonas Basanavičius est né le 23 Novembre 1851 à Ožkabaliai, dans la région de Vilkaviškis, au sud-ouest de la Lituanie actuelle, dans ce qui était alors le Gouvernement de Suvalkai (Suvalkų gubernija). Ses parents étaient des paysans lituaniens. Sa maison natale est aujourd’hui transformée en musée : http://www.muziejai.lt/vilkaviskis/basanaviciaus_sodyba.htm

A cette époque, le Polonais était la langue de la noblesse et des gens éduqués, le Lituanien la langue des paysans et le Russe la langue administrative. Après l’insurrection de 1863, les autorités russes entreprirent de russifier la Lituanie en réduisant l’influence de la langue et de la culture polonaises. Cette nouvelle politique permit au jeune Jonas d’entrer à l’école secondaire de Marijampolė, jadis réservée aux nobles. Paradoxalement, il y découvrit l’héritage historique et culturel de la Lituanie.

Lorsqu’il fut diplômé en 1873, il réussit à convaincre ses parents, qui le destinaient au séminaire de Sejny, de le laisser rejoindre l’Université de Moscou. En fait, après deux semestres, il rejoignit l’Académie Médicale de Moscou, d’où il sortit médecin en 1879. Il dirigera brièvement (Janvier 1880 – Mai 1882) un hôpital dans la Principauté de Bulgarie (vassal très autonome de l’Empire Ottoman depuis 1878), mais il partira s’installer à Prague en Décembre 1882, après l’assassinat du Tsar Alexandre II de Russie, de peur de représailles (le Tsar avait été assassiné par un dénommé Ignacy Hryniewiecki , originaire de l’ancien Grand-duché de Lituanie / région de Mogilev).

Un exemplaire d'"Aušra"

C’est de Prague qu’il organise la publication d’Aušra, premier journal national lituanien en Lituanien, dont le premier exemplaire paraît en Mars 1883 depuis la Prusse orientale. Les journaux sont transportés clandestinement en Lituanie, où l’usage de la langue lituanienne est interdit, par les knygnešiai. Ils furent une étape importante de l’Eveil national lituanien (Lietuvių tautinis atgimimas).

A Prague, Basanavičius se marie à une Allemande de Bohème, Gabriela Eleonora Mohl, en Mai 1884, et le couple repart aussitôt en Bulgarie. En Février 1886, Jonas contracte typhus et pneumonie, en Août 1887, il échappe à une tentative d’assassinat et, en Février 1889, son épouse Gabriela meurt de tuberculose. En 1891, Basanavičius acquiert la nationalité bulgare et, en 1892, il est promu à Varna sur la Mer Noire. Mais de multiples problèmes de santé l’incitent à alléger ses activités. Comme il est néanmoins membre du Parti Démocratique, il est élu au Conseil municipal de Varna de 1899 à 1903.

En 1905, apprenant que la prohibition de la presse avait été levée le 24 Avril 1904, Basanavičius rentre en Lituanie et continue à jouer un rôle important dans l’éveil national lituanien. Il joue même un rôle majeur dans le grand Seimas de Vilnius (Didysis Vilniaus Seimas), assemblée de 2 000 personnes qui se réunissent dans l’actuelle salle de l’orchestre philarmonique les 4 et 5 Décembre 1905, et qui demandent l’autonomie.

Les vingt signataires de l'acte d'indépendance (au centre, avec la barbe blanche, Jonas Basanavičius)

La Conférence de Vilnius, qui se tient du 18 au 23 Septembre 1917, décide de la création d’un Conseil d’Etat de la Lituanie (Lietuvos Valstybės Taryba) qui se voit confier la mission de préparer l’établissement d’un Etat indépendant. Le 16 Février 1918, le Conseil proclame la restauration de l’indépendance de la Lituanie, gouvernée par les principes démocratiques et ayant Vilnius comme capitale. L’acte d’indépendance est paraphé par 20 signataires, présidés par Jonas Basanavičius. Les effets de la déclaration furent limités car les Allemands occupaient toujours le pays. Mais le pas avait été sauté.

Jonas Basinavičius mourut le 16 février 1927 (donc à la date anniversaire de la proclamation d’indépendance) à Vilnius. Il est enterré au cimetière de Rasos (Rasų kapinės).

   



jeudi 22 novembre 2012

Psychodrame politique (aussi) en Lituanie



Sans doute pour ne pas être en reste avec Paris, Vilnius s’offre ces jours-ci un psychodrame politique, suite aux élections législatives des 14 et 28 Octobre.

Comme annoncé, le Parti Social-démocrate d’Algirdas Butkevičius avait remporté les élections avec 38 sièges de députés. Avec ses alliés du Parti du Travail (Viktor Uspaskich – 29 sièges) et du Parti Ordre et Justice (Rolandas Paksas – 11 sièges), il regroupait donc 78 députés sur les 141 que compte le Seimas (Parlement), donc la majorité. Ultérieurement, l’Action Electorale des Polonais, qui avait obtenu 8 sièges de députés, les rejoignait, portant la majorité de la coalition à 85.

Dans la foulée, les partis de la coalition se mettaient d’accord sur la répartition des postes gouvernementaux. Les sociaux-démocrates s’octroyaient le poste de Premier Ministre et sept postes de Ministres, le Parti du Travail – quatre, Ordre et Justice – deux et l’Action Electorale des Polonais - un.

Le vendredi 16 Novembre, le nouveau Seimas (Parlement) prêtait serment.

Algirdas Butkevičius, Premier Ministre

Le Seimas avait donné son aval le 22 Novembre à la nomination d’Algirdas Butkevičius comme Premier Ministre (proposé le 21 Novembre par le Président de la République), par 90 voix pour et 40 contre.

Donc, tout allait bien !

Mais le Parti du Travail traîne toujours ses casseroles judiciaires ! Trois de ses membres (son président Viktor Uspaskich, Vytautas Gapšys, and Vitalija Vonzutaitė) et un ancien membre (Marina Liutkevičienė) , sont accusés d’avoir fourni des informations erronées sur les revenus du Parti pendant la période 2004 – 2006, afin de minimiser les impôts. 

Viktor Uspaskich

Ce jeudi 22 Novembre, le Procureur général Darius Valys a adressé une motion au Parlement, lui demandant de lever l’immunité des quatre mis en cause afin qu’ils puissent être traduits en justice. Les sociaux-démocrates avaient dit par avance qu’ils voteraient une levée de demande d’immunité.  

Par anticipation, le nouveau Premier Ministre Algirdas Butkevičius avait également déclaré hier 21 Novembre que, si les membres du Parti du Travail étaient reconnus coupables, il faudrait revenir à la table des négociations. Il ajoutait : « Toutes les options sont possibles ». En attendant, il est censé donner la composition de son gouvernement dans les quinze jours !

Le Président Dalia Grybauskaitė

On sait par ailleurs que le Président Dalia Grybauskaitė, dont le jugement est apparemment déjà fait, ne veut pas entendre parler de Ministres du Parti du Travail dans la coalition de gouvernement. Le 21 Novembre, elle avait même précisé son option, se disant favorable à une coalition réunissant les deux partis arrivés en première et deuxième position, à savoir le Parti Social Démocrate et l’Union pour la Patrie – Chrétiens Démocrate du Premier Ministre sortant, Andrius Kubilius (mais qui ne regroupent que 71 sièges).  

Il n’y a donc pas qu’en France que la vie politique est animée ces jours-ci ……   

mardi 20 novembre 2012

Emilie, comtesse Plater, la Jeanne d’Arc lituanienne



Certains feignent de croire que la Lituanie est toujours aujourd’hui un pays au mieux soviétisé, au pire encore sauvage. C’est ignorer que c’est un Etat souverain depuis 1253, le plus grand Etat d’Europe au XVe siècle, qui a donné au cours des siècles de grands souverains, de grands hommes de guerre et de grands artistes. Que, malheureusement, on croit parfois polonais......   

L’un de ces hommes est une femme, la comtesse Emilie Plater (1806 – 1831) qui a largement mérité son surnom de Jeanne d’Arc lituanienne.


Emilie Plater (Emilja Broel-Plater) est née le 13 Novembre 1806 à Vilnius, dans une Lituanie occupée depuis 1795 par la Russie tsariste. Elle appartenait à une famille lituanienne de grande noblesse  originaire de Westphalie, qui s’était installée en Livonie (actuelle Lettonie) au XVe siècle. Ses parents, Franciszek Ksawery Plater et Anna von der Mohl, divorcèrent en 1815, lorsqu’Emilie avait 9 ans. Elle est alors placée chez des parents éloignés, la famille Plater-Zyberk, au manoir de Līksna, près de Daugavpils (aujourd’hui en Lettonie). 

Recevant une très bonne éducation, elle fut élevée dans un environnement qui appréciait l’histoire et la culture polonaise, lituanienne et ruthène, notamment Kosciuszko, le prince Jozef Poniatowski et Mickiewicz. Elle admirait les grandes héroïnes, à commencer par Jeanne d’Arc et, ce qui n’était pas habituel au début du XIXe siècle, elle montra dès son plus jeune âge un grand intérêt pour l’équitation et pour le tir de précision.

Le tournant de sa vie eut lieu en 1823 (elle avait donc 17 ans), quand un de ses cousins germains, Michel Plater, âgé tout au plus de 13 ans, fut enrôlé de force dans l’armée russe pour avoir écrit au tableau noir de son école de Vilnius : « Vive la Constitution du 3 Mai ! ». (C’est à la même époque qu’Adam Mickiewicz, membre de l’association patriotique des Philarètes à Vilnius, est envoyé en exil en Russie).

Emilie Plater pendant l'insurrection de Novembre 1830

Après le déclenchement de l’insurrection du 29 Novembre 1830, Emilie Plater fut parmi la dizaine de femmes qui rejoignirent celle-ci. Elle coupa ses cheveux, se fit elle-même un uniforme et organisa une unité composée de 280 fantassins, 60 cavaliers et plusieurs centaines de paysans armés. Avec cette unité, elle entra en Lituanie et la légende dit qu’elle s’empara de la ville de Zarasai. Puis elle se dirigea vers Panevėžys et participa à plusieurs batailles dont, le 4 Mai 1831, à celle de Maišiagala (25 km nord-ouest de Vilnius). Elle fut nommée Capitaine (fait rarissime à l’époque) dans l’armée du Général Dezydery Chłapowski (un ancien Colonel de la Garde Impériale napoléonienne), prenant le commandement d’une compagnie du 25e Régiment d’Infanterie lituanien.

Mais la défaite d’Ostrołęka, le 26 Mai 1831, marque la fin de l’insurrection. Battu à Šiauliai, le Général Chłapowski se réfugia en Prusse. Emilie Plater voulait continuer le combat, mais elle tomba sérieusement malade. Elle décéda le 23 Décembre 1831, à l’âge de 25 ans, à Justinavas, succombant aux malheurs de sa patrie. Elle fut enterrée à Kapčiamiestis, près de Lazdijai.

La tombe d'Emilie Plater à Kapčiamiestis

Rapidement après sa mort, elle devint, aussi bien en Pologne, en Lituanie qu’à l’étranger, le symbole de l’insurrection contre l’occupation russe et celui de la femme combattante. Elle fut l’objet de peintures et d’œuvres littéraires, notamment par Adam Mickiewicz (Śmierć pułkownika – La mort d’un Colonel).  

« Ayant pris Jeanne d’Arc pour modèle, elle égala cette femme sublime dans le dévouement et le courage » (Joseph Straszewicz)

NB : Ceux qui voudraient approfondir le sujet pourront lire avec profit « La Jeanne d’Arc de Pologne – Emilie Plater » de Marcel Bouteron (1937) http://www.biblisem.net/etudes/boutjean.htm




lundi 19 novembre 2012

Algirdas Butkevičius, nouveau Premier Ministre de Lituanie

Algirdas Butkevičius


Né le 19 Novembre 1958 dans la région de Radviliškis, Algirdas Butkevičius, Président du Parti Social-Démocrate Lituanien (Lietuvos socialdemokratų partija - LSDP) depuis 2009, a aujourd’hui 54 ans.

Ce 19 Novembre 2012 matin, le Président de la République, Dalia Grybauskaitė, l’a invité à venir au Palais présidentiel et lui a offert …… un paquet de bonbons. Accessoirement, elle lui a annoncé qu’elle allait le proposer comme Premier Ministre, ce qui est tout sauf une surprise, cette nomination étant attendue depuis le résultat des élections législatives des 14 et 28 Octobre. Le Président a ajouté qu’elle espérait que le nouveau Premier Ministre continuerait sans faux pas, pour l’honneur de son parti et du pays tout entier, allusion voilée au fait qu’elle ne souhaite pas que le Parti du Travail de Viktor Uspaskich, en délicatesse avec la justice, fasse partie du gouvernement.

Dalia Grybauskaitė

Architecte de profession, Algirdas Butkevičius est élu au Seimas sans interruption depuis 1996. Il a été Ministre des Finances du 4 Mai 2004 au 13 Mai 2005, poste dans lequel il avait succédé à …… Dalia Grybauskaitė. Il avait été par la suite Ministre des Transports et de la Communication, du 18 Juillet 2006 au 9 Décembre 2008. Le 17 Mai 2009, il avait été candidat à l’élection présidentielle et avait terminé deuxième du premier et unique tour, avec 11,68 % des suffrages exprimés, battu par …… Dalia Grybauskaitė (68,21 %).

Le Premier Ministre (Ministras Pirmininkas) est nommé (et relevé de ses fonctions) par le Président de la République, avec l’approbation du Seimas. Dans la pratique, le Président a peu de latitude et choisit le chef du parti ou de la coalition qui a terminé premier des élections législatives. Le nouveau Premier Ministre dispose d’un délai de 15 jours à compter de sa nomination pour présenter son gouvernement aux députés et solliciter un vote de confiance sur son programme. Les Ministres sont nommés (et relevés de leur fonction) par le Président de la République. Ce n’est que lorsque le gouvernement a obtenu la confiance du Seimas qu’il est réellement investi de ses pouvoirs (cf. Constitution du 25 Octobre 1992, Titre VII, article 92).

(D’après Wikipedia et 15min.lt, avec l’aide d’Audrius)    



dimanche 18 novembre 2012

18 Novembre 1918 – 18 Novembre 2012 : la Lettonie a 94 ans !



La semaine dernière, j’évoquais le 11 Novembre 1919, jour de Lāčplēsis en Lettonie, lorsque la jeune armée lettone chassa hors de Riga les corps-francs de Bermondt-Avalov, ce qui constitua le tournant de la Guerre d’Indépendance (http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2012/11/en-lettonie-le-11-novembre-est-le-jour.html).

 

Car, contrairement à la Lituanie, la Lettonie n’avait pas existé en tant qu’Etat au cours de l’histoire. Tout à tour occupée par les Chevaliers Livoniens germaniques, la Pologne – Lituanie, la Suède et surtout la Russie depuis 1721, la nation lettone n’avait vu l’émergence d’un sentiment national que dans la deuxième moitié du XIXe siècle.

 

En 1914, face à la perspective d’être annexée par le Reich allemand, la population lettone soutint l’effort de guerre russe. Ce n’est pas étonnant quand on sait que les barons baltes, aristocratie descendant des chevaliers germaniques, avaient continué à dominer la majorité lettone même pendant l’occupation russe tsariste.

 

L’effondrement militaire russe après la première révolution de Février 1917 aboutit à la prise de Riga par les Allemands en Septembre 1917, et la Lettonie va vivre sous domination militaire allemande jusqu’en Novembre 1918. Mais l’effacement de l’Allemagne aboutit à l’arrivée des troupes bolcheviques.

 

Proclamation de l'Indépendance, au théâtre national de Riga, le 18 Novembre 1918

C’est à ce moment-là que les élites lettones décidèrent de proclamer l’indépendance, le 18 Novembre 1918. Mais, jusqu’à l’été 1919, l’autorité du gouvernement letton reste symbolique, en butte aux actions militaires des bolcheviques et des corps francs allemands. Les Lettons, soutenus par une flotte franco-britannique aux ordres du Capitaine de Vaisseau Jean-Joseph Brisson, devront de facto lutter jusqu’en Janvier 1920 afin que leur gouvernement, enfin installé à Riga, puisse réellement fonctionner.

 

Après des réticences (désir de voir renaître une Russie forte et doutes quant à la viabilité d’un Etat letton), les puissances alliées ne reconnaîtront de jure l’indépendance de la Lettonie que le 26 Janvier 1921, et ils accepteront son entrée à la Société des Nations en Septembre 1921.

 

Bonne Fête Nationale à la Lettonie et aux Lettons !