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dimanche 10 juillet 2011

Adam Mickiewicz : Polonais ? Lituanien ? Bélarusse ? Européen !

Wikipedia en français qualifie Adam Mickiewicz de « poète et écrivain polonais, qui a passé une partie de sa vie en France ». Ça parait être un peu trop simpliste. Retour sur cet immense écrivain pour qui l’Europe n’avait peut-être déjà pas de frontières.

Adam Bernard Mickiewicz de Poraj (ci-dessus en 1828), est né le 24 Décembre 1798 à Navahroudak (en biélorusse : Навагрудак) ou Novogroudok (en russe : Новогрудок) ou en polonais : Nowogródek ou encore en lituanien : Naugardukas. La multiplicité des noms de son lieu de naissance en montre déjà toute l’ambiguïté. Mais c’est indubitablement en Lithuania propria.

En 1798, Navahroudak est un siège de district de l’Empire russe. Mais, jusqu’à la troisième partition de la Pologne-Lituanie de 1795 (soit trois ans avant la naissance d’Adam Mickiewicz), c’était une ville de la partie biélorusse du Grand-duché de Lituanie (Elle a d’ailleurs été évoquée dans mon post du 7 Juillet, comme lieu du couronnement du Roi Mindaugas, le 6 Juillet 1253). Mickiewicz fit ses études à Vilnius, fut enseignant à Kaunas et fut mis en prison en 1823 au couvent des Basiliens à Vilnius, en tant que membre de la société des Philomates. On ne fait pas plus Lituanien. Surtout si on considère le début de Pan Tadeusz (écrit en 1834 à Paris) :

« Ô ma Lituanie ! Ainsi que la santé,
Seul qui te perd connaît ton prix et ta beauté.
Je vois et vais décrire aujourd’hui tous tes charmes,
Ma patrie ! et chanter mes regrets et mes larmes. »


On pourrait également citer Konrad Wallenrod, écrit en 1828, qui décrit la lutte des Lituaniens contre les Chevaliers Teutoniques.

Pourtant, me direz-vous, Mickiewicz écrivait en Polonais et a été enterré au château du Wawel à Cracovie. Sa famille était de petite noblesse (la szlachta) et, comme toute la noblesse, elle s’était polonisée après l’Union de Lublin (1569), la Pologne apparaissant plus raffinée et moins rustre que la Lituanie. (NB : Cracovie a été une ville libre, instituée par le Congrès de Vienne en 1815, qui a été annexée par l’Autriche en 1846. Mais, après la guerre austro – prussienne de 1866, l’Autriche, battue, accorde l’autonomie à la province de Galicie et Cracovie, qui a été capitale de la Pologne jusqu’en 1596, redevient un symbole national polonais. C’est ainsi que la dépouille de Mickiewicz a pu être rapatrié à Cracovie en 1890)

En outre, les Bélarusses sont en droit de se réclamer de l’héritage de Mickiewicz, outre son lieu de naissance, tant le folklore bélarusse, avec les thèmes historiques lituaniens, a exercé une grande influence sur son œuvre. Il a d’ailleurs son buste à Brest (-Litovsk ; ci-dessous).

Mickiewicz fut obligé de quitter la Lituanie en 1823, s’en va à Saint-Pétersbourg, Odessa et Moscou, puis quitte la Russie en 1829 pour l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et enfin la France, où il arrive à Paris en 1832. Il occupe la première chaire de littérature slave au Collège de France de 1840 à 1844. En 1849, il fonde même un journal en français, « La Tribune des Peuples ».

Pas uniquement poète, comme on l’a vu plus haut avec son implication dans la lutte contre l’occupation russe de la Lituanie, il participe en 1848 à la création d’une Légion Polonaise et part en 1855 à Constantinople pour organiser leur intervention contre les Russes dans la guerre de Crimée. C’est là qu’il meurt, vraisemblablement du choléra, le 26 Novembre 1855. Initialement enterré dans une crypte sous son appartement à Constantinople (Istanbul), puis transféré à Montmorency, il fut réenterré le 4 Juillet 1890 au Wawel (ci-dessous), dans la crypte des bardes.

Difficile donc de « classer » Mickiewicz. En fait, dans son œuvre, il prône souvent les avantages du pluralisme culturel, de la coexistence des différentes religions, des groupes ethniques et des cultures. Il attend une unification future des peuples, et, en tant qu’ Européen, il refuse de respecter les frontières, « ces lignes tracées par les doigts des rois pour séparer les nôtres des étrangers et en faire des ennemis naturels », considérant que la liberté est au-dessus des appartenances nationales.

En cela, Adam Mickiewicz est bel et bien un Européen de notre temps.


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