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mardi 29 mars 2011

Plaidoyer pour une reconstitution du franchissement du Niémen en 2012

A partir du 24 Juin 1812 au matin, la masse principale de la Grande Armée franchit le Niémen en amont de Kaunas, à hauteur de Panemunė. Il y avait là les Corps d’Armée de Davout (1er), Oudinot (2ème) et Ney (3ème), la Garde Impériale et deux des quatre Corps de cavalerie de réserve. L’objectif de Napoléon était d’atteindre au plus vite Vilnius où il aurait été entre les deux Armées russes (Barclay de Tolly et Bagration), qu’il aurait pu alors affronter séparément.

Napoléon 1er en 1812

Par ce franchissement, Napoléon envahissait la Russie, le seul Etat avec la Suède qui, en Europe continentale, s’opposait encore à lui. Mais il ignorait que, ce faisant, il scellait son destin. Comme l’écrivit le Général Comte de Ségur, Napoléon se hâta de poser le pied sur les terres russes. Il fit sans hésiter ce premier pas vers sa perte.

En Juin 2012, ce fera donc 200 ans qu’a eu lieu ce franchissement historique.


Franchissement du Niémen à Kaunas le 24 Juin 1812
En son temps (il y a environ 2 ans), j’avais participé, au Musée de la Guerre de Kaunas à une réunion pour évoquer cet anniversaire. Le Président de l’Union des groupes historiques militaires européens, un Major-Général autrichien, avait affirmé à l’époque qu’il y aurait « bien évidemment » une reconstitution du franchissement. Le problème est qu’on n’a pas progressé et qu’on en est aujourd’hui toujours au même point. Le gouvernement lituanien en général, et le Ministère de la Défense en particulier, ne veulent pas mettre un Litas dans l’opération. Quant à la Municipalité de Kaunas … eh bien la Municipalité de Kaunas, il n’y en a toujours pas, suite aux récentes élections municipales ! Car, évidemment, le problème majeur est celui du financement.

Il serait à mon sens dommage que ce bicentenaire ne soit pas célébré en Lituanie, tant l’espoir des Lituaniens avait été grand en 1812 de retrouver leur indépendance grâce à Napoléon, espoir certes déçu, mais qui portait en germe les révoltes de 1830 et 1863. En outre, des événements bien organisés, qui pourraient d’ailleurs ne pas se limiter à des reconstitutions, pourraient être bénéfiques pour le tourisme lituanien, histoire d’oublier le fiasco de « Vilnius, capitale européenne 2009 ». Exemple pourrait être pris sur la République Tchèque qui célèbre chaque année non seulement la bataille d’Austerlitz mais aussi les Journées Napoléoniennes (cf. http://www.austerlitz.org/index.php?_lang_set_id=3 ). Le calendrier en est d’ailleurs fixé jusqu’en 2015 !

" Là où il y a une volonté, il y a un chemin " disait … Lénine. A méditer.

lundi 28 mars 2011

La Lituanie et les centrales nucléaires


La nouvelle, même si elle était attendue, est apparue en Lituanie comme une provocation. Le 15 Mars au soir, la Russie et le Bélarus ont signé l’accord de construction d’une centrale nucléaire au Bélarus. Cet accord survenait alors que le monde entier avait les yeux tournés vers la catastrophe de Fukushima au Japon. Cette centrale bélarusse, d’une capacité totale de 2 400 MWe, dont 50 % destinés à l’exportation, censée être opérationnelle pour un réacteur en 2016 ou 2017, pour l’autre en 2018, serait construite à Astravets, près d’Ashmyany (Ašmena en Lituanien) soit à 20 kilomètres de la frontière lituanienne, à 50 km du centre de Vilnius. La Russie serait prête à accorder un prêt de 9 milliards de $ au Bélarus pour la construction, laquelle reviendra à une filiale du maître d’ouvrage russe, Rosatom.

Par ailleurs, les travaux d’une centrale nucléaire ont commencé le 25 Février 2010, à 13 km du Niémen, donc de la Lituanie, dans l’exclave de Kaliningrad (Baltiiskaya NPP - Калининградская атомная электростанция ou Балтийская АЭС). Là aussi, si un des réacteurs est destiné à approvisionner en électricité l’oblast russe, « actuellement dépendant des pays de l’OTAN », le deuxième réacteur produira de l’électricité pour l’exportation. La capacité totale devrait être à terme de 2 340 MWe. Le premier réacteur devrait être opérationnel en 2016, le second en 2018. Pour les russophones, un Blog suit les étapes de la construction :

Face à ces centrales qui poussent autour d’elle comme des champignons, la Lituanie, dont le projet Ignalina II avance à une allure d’escargot, a un triple souci :

# Un souci écologique. Officiellement, c’est le seul qui soit mis en avant. La Lituanie a, à plusieurs reprises, adressé des notes au Bélarus pour se plaindre du fait que l’étude d’impact de la centrale sur l’environnement serait incomplète et que le Bélarus ne respecterait pas la Convention d’Espoo (http://www.unece.org/env/eia/eia_f.htm ). Le 25 Mars, le Conseil Européen a adopté une proposition lituanienne demandant que les centrales nucléaires, existantes ou en projet, sur le territoire de l’UE ou à proximité, fassent l’objet de contrôles de sécurité.

# Un souci économique. Alors que la centrale d’Ignalina II n’a toujours pas d’investisseur, après le retrait du candidat sud-coréen Korea Electric Power Corp. le 24 Novembre 2010, le futur de celle-ci s’avère incertain. A quoi bon construire une centrale qui produirait de l’électricité au mieux à partir de 2018-2020, alors que Kaliningrad et Astravets en produiront dès 2016 ? En outre, alors qu’elles sont toujours en principe partie prenante dans Ignalina II, il semblerait que l’Estonie et la Pologne aient leurs propres projets.

# Un souci politique. Alors que le Bélarus avait fait mine de se rapprocher de l’UE avant les « élections » présidentielles du 19 Décembre 2010, alors que les Présidents russes et bélarusses, dans le même temps, s’échangeaient des noms d’oiseaux, l’accord sur la centrale d’Astravets montre que les relations entre les deux Etats sont redevenues nominales. Le Président lituanien Dalia Grybauskaitė avait fortement soutenu la politique d’ouverture de la Lituanie vers le Bélarus, même après les élections frauduleusement remportées par Lukashenka (rappelons-nous le «Lukashenka est le garant de la stabilité économique et politique du Bélarus, et de son indépendance»). L’argument était que mieux valait pour l'Europe que le Bélarus soit dirigé par un dictateur qui résiste aux pressions russes que par une marionnette à la solde du Kremlin……

Il semble donc que l’indépendance énergétique de la Lituanie, vis-à-vis de la Russie, soit plus que jamais dans une zone de turbulence.

samedi 26 mars 2011

Maurice, comte de Saxe, duc de Courlande, Maréchal de France

Je voudrais vous parler aujourd’hui du comte Maurice de Saxe (Moritz Graf von Sachsen - 1696 – 1750 – ci-dessous), plus connu en France en tant que Maréchal de Saxe, vainqueur de la bataille de Fontenoy (11 Mai 1745). Outre qu’il fut un éphémère duc de Courlande, son destin est intimement lié à la France.

La Saxe, aux IXe et Xe siècle, est un Duché qui comprend presque tout le nord de l’Allemagne. En 1426, il est érigé en Electorat par l’Empereur romain germanique Sigismond 1er de Luxembourg. En 1697, l’Electeur de Saxe Friedrich August I est élu Roi de Pologne, sous le nom d’Auguste II, face au Prince de Conti. La légende prête à Auguste plus de 350 bâtards ! Maurice, né le 28 Octobre 1696 à Goslar, est l’un d’eux, qu’il a eu avec Aurore, Comtesse von Königsmarck. Il ne sera reconnu qu’en 1711 par son père et recevra alors le titre de comte de Saxe.

Dès l’âge de 12 ans, le jeune Maurice fait ses premières armes à la guerre face aux Français devant Lille, et a sa première aventure galante ! A la bataille de Malplaquet (11 septembre 1709), il se distingue « par une intrépidité au-dessus de son âge ». En Mars 1710, il participe « au siège de Riga, que commandait en personne Pierre le Grand, duquel il fut parfaitement bien reçu ». Il sera nommé Colonel à 15 ans !

Vaillant guerrier, Maurice témoigne par ailleurs d'un penchant marqué pour les plaisirs et la dissipation. En 1721, il demande et obtient la séparation d'avec sa femme. La même année, son père, qui le trouve trop remuant, l'envoie chercher du service en France où il achète le régiment de Sparre-Infanterie, qu'il rebaptise Saxe-Infanterie. Très vite, il s'en lasse, et, en 1725, il part pour Varsovie, avec comme objectif la couronne ducale de Courlande, ce qui le fait entrer en conflit direct avec son père (le Roi projetait de réunir le Duché de Courlande et Sémigalle à la couronne polonaise).

Maurice de Saxe, partant de Varsovie, feint de se rendre en Russie et se rend en fait à Mitau (capitale du Duché de Courlande, actuelle Jelgava), où il arrive le 18 Mai 1726. Il a plusieurs rencontres secrètes avec le Duchesse douairière, Anna Ivanovna, seconde fille du Tsar Ivan V, veuve du duc de Courlande Frédéric III Guillaume, lequel était mort sans enfant en 1711, laissant ses Etats au Duc Ferdinand son frère. Le comte de Saxe (30 ans), outre qu’il devient l’amant d’Anna Ivanovna, est élu le 28 Juin 1726 comme successeur du Duc Ferdinand (qui a alors 71 ans).

Les Russes, par la voix du Prince Alexandre Danilovitch Menchikov, homme fort et amant du moment de la nouvelle Impératrice Catherine 1ère, font savoir que celle-ci ne consentirait jamais à l’élection du comte de Saxe. Les Polonais, de leur côté, proclament en Novembre le rattachement de la Courlande à la Pologne. Le comte, pressé de toutes parts, se réfugie sur une ile au milieu du lac d’Usma (au sud-est de Ventspils, aujourd’hui réserve naturelle dénommée Moricsala). Finalement, entré en disgrâce avec la Duchesse douairière Anna Ivanovna (laquelle deviendra Impératrice de Russie en Janvier 1730), qui lui reproche trop d’aventures galantes, le comte de Saxe repart finalement en France.
Horace Vernet (1789-1863) - Bataille de Fontenoy (1745) : le maréchal de Saxe, debout, présente à Louis XV (sur le cheval blanc) les drapeaux pris à l'ennemi.

Maurice de Saxe s’illustrera par la suite, au service de la France, au cours des guerres de succession de Pologne et d’Autriche (dont à la bataille de Fontenoy en 1745, ci-dessus). Il est nommé Maréchal de France en 1741, puis, en 1747, « maréchal général des camps et armées du roi », ce qui lui donne autorité sur tous les autres maréchaux (il n’y en eut que 7 dans toute l’histoire de France). En 1748, il est nommé gouverneur à vie de Chambord où il organisa une vie princière et fantasque.

Au cours des dernières années de sa vie, le Maréchal de Saxe eut une relation avec une jeune fille, Marie Rinteau de Verrières. Celle-ci donna naissance en 1748 à une fille, Marie Aurore, dernier enfant (illégitime) de Maurice de Saxe, qu’il reconnaitra en toute fin de vie. Marie Aurore sera la grand-mère d’Amandine Lucile Aurore Dupin, plus connue sous le nom de George Sand, laquelle viendra souvent chez son aïeule à Nohant.

Le Maréchal de Saxe mourut à Chambord en 1750, victime – dit-on - d'une blessure mortelle dans un duel avec le Prince de Conti (petit-fils de celui qui est évoqué au 2e paragraphe). Une cérémonie funèbre fut célébrée à Paris, mais le maréchal de Saxe, étant protestant, ne pouvait être inhumé dans la capitale. Son corps fut donc envoyé à Strasbourg pour être inhumé dans le chœur de l'église protestante Saint-Thomas et Louis XV commanda à Jean-Baptiste Pigalle un magnifique mausolée (ci-dessous), élevé à partir de 1771.

vendredi 25 mars 2011

25 – 29 Mars 1949 : déportation de 43 500 paysans lettons par les soviétiques


Le pacte Molotov – Ribbentrop du 23 Aout 1939, par lequel les deux puissances totalitaires du XXe siècle, l’Allemagne nazie et la Russie soviétique, se partageaient l’Europe, fut le prélude pour les Etats Baltes à une soviétisation basée sur des déportations de masse et à une colonisation par des éléments immigrants russes.

Lors de la première occupation soviétique, les premières déportations de masse eurent lieu dans la nuit du 13 au 14 Juin 1941. En Lettonie, elles concernèrent entre 14 194 personnes (source lettone) et 15 081 personnes (source allemande). Elles visaient « des éléments socialement étrangers » dont 1 614 enfants de moins de 7 ans, soit 11,3 %.

Alors qu’à l’ouest le spectre de la guerre commençait à s’estomper, à l’est, sous la deuxième occupation soviétique, une nouvelle déportation eut lieu entre le 25 et le 29 Mars 1949. Celle-ci a concerné (cf. l'arrêté strictement secret No.390-138 du Conseil des ministres de l'URSS du 29 janvier 1949 définissant les catégories à déporter de Lettonie, de Lituanie et d'Estonie) :

1) les koulaks et leurs familles;
2) les membres des familles des bandits et nationalistes qui sont dans l'illégalité, ainsi que les membres des familles de bandits exécutés ou condamnés;
3) les bandits ayant régularisé leur situation et les membres de leur famille qui continuent des menées antisoviétiques;
4) les membres de famille de ceux qui ont soutenu les bandits.

NB : Dans la Russie tsariste, le terme koulak désignait les paysans ayant un certain niveau d'aisance par rapport à la majorité de paysans appauvris par les guerres et la famine. Après la révolution de 1917, les bolcheviques au pouvoir assimilèrent au koulak tout paysan mécontent de leur politique. A partir de 1928, une campagne de dékoulakisation, menée par Staline, a entrainé vers la déportation, l’incarcération, voire la mort, 5 millions de paysans.

Cette déportation de 1949, dont le souvenir est célébré aujourd’hui, a envoyé en Sibérie occidentale (principalement dans les régions de Tomsk et d’Omsk) 43 963 personnes (dont 3 369 enfants de moins de 7 ans, soit 7,6 %), très majoritairement des paysans, au nom de la collectivisation de l’agriculture. 5 073 sont morts en déportation.

Cette déportation mobilisa 3 250 groupes opérationnels. Chaque groupe devait arrêter 4 familles et se composait d'un chef membre opérationnel du NKVD, de 2 membres des troupes du NKVD, de 2 membres des troupes territoriales et de 4 à 5 membres du parti communiste. Elle valut à leurs auteurs 75 médailles du Drapeau rouge, qui est une décoration militaire pour fait d'armes sur le champ de bataille.

A partir de 1956, certains déportés furent autorisés à rentrer, mais généralement pas dans leur région d’origine. Ce n'est que le 2 novembre 1988 que le Soviet suprême de la RSS de Lettonie, dans son arrêté No.350 "sur la déportation administrative injustifiée de citoyens hors de la RSS de Lettonie en 1949", reconnaîtra comme non-fondée la déportation des familles de koulaks.

On relira avec profit le livre biographique de Sandra Kalniete, «En escarpins dans les neiges de Sibérie», qui porte sur cette période : « Je suis née au goulag le 22 décembre 1952 dans le village de Togour, district de Kolpachevo, région de Tomsk. Mes parents n'ont pas voulu offrir d'autres esclaves au pouvoir soviétique, je n'ai eu ni frère ni sœur. Nous sommes rentrés en Lettonie le 30 mai 1957 ».

Les crimes nazis et les crimes soviétiques sont une réalité. En aucun cas les crimes des uns ne peuvent excuser les crimes des autres. En aucun cas le commanditaire du crime, qu’il soit vainqueur ou vaincu d'une guerre mondiale, n'est absout et ne doit échapper à la justice, pas plus que l'exécutant.

mardi 22 mars 2011

Une des plus anciennes familles de « barons baltes », les Lieven (2)


Après le post d’hier sur le Prince Christophe Heinrich von Lieven et son épouse Dorothea, en rapport avec l’époque napoléonienne, j’évoquerai aujourd’hui le Prince Anatoly Pavlovich Lieven (1872 – 1937 – ci-dessous) qui s’est mis en exergue au moment de la guerre d’indépendance de la Lettonie.

Au moment de l’armistice du 11 Novembre 1918, l’armée allemande occupait la majeure partie du territoire letton et les alliés lui demandèrent de rester sur place afin d’empêcher que la région ne soit occupée par l’armée rouge. Deux accords furent signés entre le Gouvernement provisoire letton et les Allemands (7 et 29 Décembre 1918), autorisant la création d’une force de défense territoriale, la Baltische Landeswehr afin de contrer l’offensive des bolcheviques. Cette Landeswehr était constituée majoritairement d’unités allemandes, à l’exception de la Brigade lettone du Colonel Jānis Balodis et du détachement de l’Armée blanche du Prince Anatoly Lieven (les Liventsy, en letton Līvenieši). Avec la Eiserne Brigade (devenue par la suite Division) et la Division de Réserve de la Garde, la Baltische Landeswehr constituait le VIe Corps de Réserve aux ordres du Général Comte Gustav Adolf Joachim Rüdiger von der Goltz.

En Février 1919, seul le port de Liepāja était encore aux mains des Allemands et des Lettons. Lorsque ceux-ci reprirent l’offensive le 3 Mars, le Général von der Goltz déposa le gouvernement légal letton de Kārlis Ulmanis pour installer le 16 Avril 1919 un Gouvernement provisoire fantoche, dirigé par le pasteur luthérien Andreews Needra (Andrievs Niedra). La Baltische Landeswehr capture Riga le 22 Mai 1919.

Mais, alors que les Alliés pensaient que les troupes de von der Goltz allaient continuer leur offensive vers l’est, contre les bolcheviques, le VIe Corps de Réserve continue vers le nord et se heurte à la 3e Division estonienne (Commandée par le Général Ernst Põdder, elle comprend dans ses rangs un Régiment letton aux ordres du Colonel Krišjānis Berķis) qui, elle, repoussait les bolcheviques vers le sud. C’est, du 19 au 23 Juin, la bataille de Cēsis qui obligera la Landeswehr à se retirer vers le sud, qui conduira les Estoniens jusqu’aux portes de Riga et qui permettra le rétablissement à Riga du gouvernement légal letton d’Ulmanis. Les Alliés obligeront les Allemands à quitter la Lettonie mais ils se rétabliront à Jelgava (5 Octobre 1919) et prépareront une contre-attaque avec l’ «Armée des Volontaires de Russie occidentale » de Pavel Bermont-Avalov. La Baltische Landeswehr passera, elle, aux ordres du Gouvernement letton et sera envoyée combattre les bolcheviques.

Pendant cette bataille, la Brigade lettone de Balodis est restée sous commandement allemand mais aura eu un rôle passif. Quant au Prince Lieven, il interdira lui aussi à ses hommes de combattre les Estoniens et son détachement n’aura qu’un rôle défensif sur les arrières de la Landeswehr.
La situation au 22 Juin 1919. En violet l'armée estonienne, en brun les Allemands, en rose les bolcheviques et en jaune les troupes lettones.

Après la guerre d’indépendance, le Prince Lieven deviendra citoyen letton et dirigera une fabrique de briques ! Il sera aussi actif dans la lutte antibolchevique, dirigeant un détachement des Frères de la vérité russe (Братство Русской Правды), mouvement clandestin pro-monarchiste visant à renverser le bolchevisme en Russie.



lundi 21 mars 2011

Une des plus anciennes familles de « barons baltes », les Lieven (1)

Les barons baltes ou Germano-baltes (Baltendeutsche) sont les descendants des populations de langue allemande venues, à partir du XIIe siècle, coloniser la région orientale de la Baltique, notamment ce qui est aujourd’hui la Lettonie et l’Estonie (jadis Esthonie, Livonie, Courlande). Paradoxalement, ils ne sont pas d’ethnie balte, mais ont constitué la classe aristocratique locale, dominant des populations qui, elles, étaient bien baltes, au travers des diverses occupations, notamment danoise, suédoise, polono-lituanienne et russe. Les barons baltes ont perdu leurs terres et leur pouvoir lors de la réforme agraire de 1920, conduite par la jeune République de Lettonie.

La famille Lieven (armoiries ci-dessus) se dit descendante de Kaupo de Tureida, leader d’une nation live au début du XIIIe siècle, qu’Henri de Livonie, dans sa « Chronique », décrit comme quasi rex, comme un roi. Kaupo sera le premier chef live à se faire baptiser aux alentours de 1191 et Albert de Buxhövden, archevêque et fondateur de Riga, l’emmènera même à Rome pour le présenter au Pape Innocent III.

De cette famille puissante, qui servira aussi bien la Suède que la Russie, je mettrai en exergue, en deux posts, deux noms, peu ou prou en relation avec la France :

# Le prince Christophe Heinrich von Lieven (1774 - 1838) et son épouse Dorothea

# Le prince Anatoly Pavlovich Lieven (1872 – 1937)

La mère de Christophe Heinrich von Lieven était la gouvernante des enfants du Grand-duc Paul, futur tsar Paul 1er de Russie, et le jeune Christophe a eu comme compagnons de jeu les futurs tsars Alexandre 1er et Nicolas 1er. A 15 ans il entre dans l’armée et à 22 ans, lieutenant-colonel, il commande déjà un Régiment de dragons à la tête duquel il combat dans le Caucase et en Perse. Aide de camp du tsar Paul 1er à partir de 1797, major-général en 1798, comte en 1799, il participe à la bataille d’Austerlitz (2 Décembre 1805) et à la rencontre de Tilsit (Juillet 1807) avec son successeur, Alexandre 1er.

Il commence une carrière diplomatique en 1808 et représente la Russie d’abord à la cour de Prusse (1808), puis il est Ambassadeur à Londres à partir de 1812, poste qu’il gardera 22 ans ! Prince depuis 1826, il sera rappelé en Russie en 1834 par le tsar Nicolas 1er qui en fait le gouverneur du tsarévitch Aleksandr Nikolaevich. C’est pendant le « Grand Tour » de ce dernier que Christophe Heinrich von Lieven décèdera subitement à Rome le 10 Janvier 1839.

Son épouse, Dorothea von Lieven, née von Benckendorff (ci-dessus) mettra son charisme et son intelligence au service de son mari quand celui-ci sera en poste à Londres. Elle avait manifestement le « sens du contact », ayant une liaison avec le chancelier autrichien von Metternich, vraisemblablement une autre avec Lord Palmerston et étant une amie très proche de Lord Castlereagh, Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères. Alexandre 1er dit d’ailleurs d’elle : « Dommage qu’elle porte la robe, car elle aurait fait un excellent diplomate » ! Ce qui n’empêcha pas le tsar de lui donner des missions particulières ; c’est ainsi qu’elle joua un rôle clé dans la naissance de la Grèce moderne et dans la création de la Belgique.

Après la mort subite de son mari et de ses deux enfants, elle s’installa à Paris, où elle fut très proche de François Guizot, Ministre des Affaires étrangère puis Premier Ministre français. Elle servit d’intermédiaire entre les belligérants lors de la guerre de Crimée (1854 – 1856), avant de s’éteindre le 27 Janvier 1857 à son domicile parisien, 2 rue Saint-Florentin. Selon ses dernières volontés, elle fut enterrée dans la propriété familiale des Lieven, à Mežotne (10 km à l’ouest de Bauska – ci-dessous).

L’histoire du prince Anatoly Pavlovich Lieven fera l’objet d’un post prochain.

dimanche 20 mars 2011

Balzac, la Touraine, la Lettonie et la Francophonie

Récemment, je vous contais les liens entre la Touraine et la Courlande à travers Dorothée de Courlande et Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord.


Un autre lien, certes plus diffus, relie la Touraine et la Lettonie : Honoré de Balzac (1799 – 1850, ci-dessus). Né à Tours le 20 Mai 1799, écrivain prolixe, mais de santé précaire et endetté par des investissements hasardeux, il fera, entre 1825 et 1848, de nombreux séjours au château de Saché (ci-dessous), hôte de son ami Jean de Margonne. C’est là qu’il travaillera au « Père Goriot », aux « Illusions perdues » et qu’il trouvera l’inspiration pour « Le Lys dans la vallée ». Le château est devenu un Musée Balzac depuis le 29 Avril 1951.

Pour en savoir plus sur Balzac et Saché :


Mais, depuis 1832, Balzac entretenait une correspondance régulière avec une admiratrice polonaise, Ewelina Rzewuska, comtesse Hańska (ci-dessous), qui s’ennuie à mourir dans son domaine de Wierzchownia, aujourd’hui Verkhovnia en Ukraine. Lorsque Balzac rencontre la comtesse Hanska pour la première fois (Septembre 1833), au bord du lac de Neuchâtel, il tombera amoureux d’elle. Mais celle-ci, devenue (enfin !....) veuve en 1841, n’épousera l’écrivain que le 14 Mars 1850, 5 mois avant la mort de celui-ci (18 Août 1850).


Un des voyages pour rencontrer sa belle, en 1843, avait conduit Balzac, en bateau, à Saint-Pétersbourg. Au retour, il quittera la capitale russe le 7 Octobre 1843 en malle-poste, via Riga, afin de pouvoir prendre un train à Berlin.

Le transport régulier du courrier et des passagers empruntait, depuis le début du XVIIe siècle une route partant de Clèves et passant par Magdeburg, Berlin, Dantzig (Gdansk), Königsberg (Kaliningrad), la presqu’ile de Courlande, Memel (Klaipėda), Mitau (Jelgava) et Riga, pour aller jusqu’à Saint-Pétersbourg. Cette route fut, au XVIIIe siècle, empruntée par de nombreux Français allant faire leur cour à la tsarine Catherine II. On citera notamment Diderot (1774), le sculpteur Etienne Maurice Falconet et son élève Marie-Anne Collot, venus faire la statue de Pierre le Grand (1766), la portraitiste Elisabeth Vigée-Lebrun fuyant la Révolution française (1789), Mademoiselle George, célèbre tragédienne maitresse de tous les souverains du moment (1808), etc.……

En 1833 est ouverte une nouvelle route postale passant par Tilsit, Tauragė et Šiauliai, se raccrochant à la précédente à Mitau (Jelgava). C’est cette route qu’empruntera Balzac en 1843. Mais, à l’époque, Lituanie, Lettonie et Estonie ne sont que des gouvernements (губе́рния) de l’empire russe (cf. ci-dessous).

A l’occasion d’un voyage impromptu, à l’automne 1847, cette fois à Kiev, on apprend que Balzac rend visite à un riche moujik qui a lu tous ses livres ! La Francophonie au XIXe siècle était un phénomène de société. Balzac apprend que ce nouveau riche brûle un cierge à Saint-Nicolas chaque semaine en son intention ! Les choses ont bien changé……

vendredi 18 mars 2011

18 Mars 1866 : naissance de Janis Rozentāls

Janis Rozentāls (ci-dessus) a été un des plus grands peintres lettons. Il est né le 18 Mars 1866 près de Saldus en Courlande (à mi-chemin entre Jelgava et Liepāja). Ayant toujours voulu se consacrer à l’art, il rejoint Riga à l’âge de 15 ans, puis l’Académie des Arts de Saint-Pétersbourg en 1888.

Revenu à Saldus après son diplôme, car il voulait vivre parmi les siens et créer un art conforme à ses aspirations, il y ouvre un studio à l’été 1899. Mais ses intentions sont mal perçues dans cette petite ville provinciale, aussi il rejoint de nouveau Riga en 1901.

Le tournant de sa vie a lieu en Novembre 1902 quand il rencontre à Riga la chanteuse finnoise Elli Forsell (1871 – 1943). Ils se marient le 20 Février 1903 et ils s’installent dans un appartement-studio Alberta iela, « la » rue Art Nouveau de Riga. Son appartement est désormais le Jāņa Rozentāla un Rudolfa Blaumaņa memoriālais muzejs, au dernier étage du 12 Alberta iela (ci-dessous). Rozentals hébergeait régulièrement son ami Rudolfs Blaumanis (1863–1908) qui, bien qu’étant un écrivain connu, n’avait jamais suffisamment d’argent pour louer son propre appartement.


Le couple Rozentals – Forsell se réinstalla en 1915 en Finlande, en raison de le Première Guerre mondiale. Janis Rozentāls décèdera brusquement le 26 Décembre 1916 et sera d’abord enterré à Helsinki, puis à Riga (Rīgas 2. Meža kapos, à proximité du Brāļu kapi ) en 1920.

Le trait principal des compositions de Janis Rozentāls est l’asymétrie, caractéristique du style Art Nouveau. Il a peint de nombreux portraits avant de se tourner vers les paysages, créant une image lyrique de la patrie lettone.



mercredi 16 mars 2011

Lettonie - 16 Mars 1865 : naissance d’Aspazija


Aspazija (ci-dessous) est une poétesse et dramaturge lettone. Née Elza Rozenberga le 16 Mars 1865 près de Jelgava, alors dans l’empire russe, où elle fait ses études. Elle va s’intéresser progressivement à la littérature et s’engager dans des organisations de jeunesse.

On assiste en effet en Lettonie, au milieu du XIXe siècle, à un large mouvement national sous l’impulsion de la jeunesse estudiantine. Aspazija participe aux activités du « Nouveau courant » (en letton Jaunā strāva), créé à la fin des années 1880. C’est là qu’elle rencontre le poète Jānis Pliekšāns (cf. http://gillesenlettonie.blogspot.com/2010/09/rainis-11-septembre-1865-12-septembre.html), plus connu sous le nom de Rainis. Le couple (ci-dessous) se marie en 1897, mais est condamné à l’exil en Suisse par la Russie tsariste, après l’échec de la révolution de 1905.

Lorsqu’ils rentrent en Lettonie indépendante en 1920, alors que Rainis est Ministre de l’éducation de 1926 à 1928, Aspazija s’engage, elle, dans les mouvements féministes et est membre de toutes les sessions de la Saeima de 1920 à 1934.

Ses premières œuvres sont réalistes, exprimant dès 1897 des idées démocratiques puis des thèmes de lutte sociale, en amont de la révolution de 1905. Mais la plupart de ses œuvres de la période d’exil sont néoromantiques.

Veuve depuis le 12 septembre 1929, Aspazija décèdera le 5 Novembre 1943 dans sa maison de Dulbuti (un des villages constituant ce qui est aujourd’hui la station balnéaire de Jūrmala – ci-dessous), maison construite en 1903 et transformée depuis 1996 en musée Rainis / Aspazija.

mardi 15 mars 2011

Lettonie : quel sera le prochain Président de la République ?

Conformément au chapitre III de la Constitution lettone, le Président de la République est élu à la majorité absolue, soit au minimum 51 voix, des 100 membres de la Saeima, le Parlement monocaméral letton. Il ne peut pas accomplir plus de deux mandats (de 4 ans) consécutivement. Le Président actuel, Valdis Zatlers (ci-dessous), étant entré en fonction le 7 Juillet 2007 après avoir été élu le 31 Mai, le problème de son éventuel remplacement commence à agiter le monde politique letton.

Et si le monde politique letton est agité, c’est qu’apparemment aucun des partis politiques n’a proposé la candidature du Président sortant pour un second mandat ! Le parti Zaļo un zemnieku savienība (Union des Verts et des Fermiers) a d’ailleurs souligné que M. Zatlers lui-même n’a pas montré un grand enthousiasme à garder le poste. 47 % se déclarent satisfaits de l’action du Président actuel, contre 41 % ne sont pas satisfaits.

Même le parti leader de la coalition au pouvoir, Vienotība (Unité), déclare off the record que Valdis Zatlers n’avait pas été un si bon Président que ça……

Mais alors qui ?

Parmi les candidats possibles, on cite le contrôleur général de l’Etat Inguna Sudraba (ci-dessous), le Commissaire européen Andris Piebalgs, l’ancien Ministre des Affaires Etrangeres Aivis Ronis, le juge à la Cour européenne de justice Egils Levits, l’Ambassadeur de Lettonie auprès de l’OTAN Māris Riekstins, et l’ancien Président de la Saeima Gundars Daudze. La plupart, sauf Sudabra et Daudze, ont déjà fait savoir qu’ils n’étaient pas candidats. Vienotiba serait en train d’envisager un retour de Vaira Vīķe Freiberga.

Le problème de l’élection présidentielle est double. Tout d’abord, le Président n’est pas élu au suffrage universel, mais par le Parlement. Un très récent sondage a montré que 77 % des Lettons voudraient élire eux-mêmes leur Président.

Par ailleurs, le Parlement de 100 sièges étant élu à la proportionnelle intégrale, il est morcelé entre plusieurs partis regroupés en coalitions à géométrie variable. L’élection du Président de la République est donc le résultat de compromis. C’est ainsi que Valdis Zatlers a été élu en 2007 au plus petit dénominateur commun. Selon un sondage réalisé avant l'élection, les Lettons soutenaient la candidature de Zatlers à 28 % alors que celle du candidat de centre gauche Aivars Endzinš était soutenue par 54 % de la population. Il faut dire que Zatlers, directeur de l'hôpital national de traumatologie et d'orthopédie de Riga, n’avait aucune expérience politique et qu'il avait admis, lors de la brève campagne électorale, avoir reçu des enveloppes contenant de l'argent données par plusieurs de ses patients.

Bien présomptueux donc, celui qui pariera sur le nom du prochain Président. Moi j’ai choisi, mais ……

(Ci-dessous, le drapeau du Président de la République lettone)


lundi 14 mars 2011

Les « liquidateurs » de Tchernobyl


Les commentaires sur la situation actuelle du Japon font souvent référence à la catastrophe de Tchernobyl (en ukrainien Чорнобиль), en Ukraine, près de la frontière biélorusse. Rappelons brièvement que, le 26 avril 1986, à 01H23 locale, le cœur du réacteur n° 4 (type RMBK 1000) de la centrale Lénine près de Tchernobyl est entré en fusion et explosa suite à une succession d’erreurs humaines, libérant dans l’atmosphère un nuage radioactif.

C’est le gouvernement suédois qui découvrit l’accident le 28 avril, soit 3 jours plus tard, le gouvernement du « bon » M. Gorbatchev n’ayant pas jugé nécessaire d’annoncer l’accident au public. L’évacuation des 45 000 habitants de la ville de Pripyat (ci-dessous) ne commencera d’ailleurs que le 27 avril. Ce sont au total 250 000 personnes qui quitteront leurs foyers, dans un rayon de 30 km autour de la centrale.

Dans les jours qui suivirent des dizaines de milliers d’ouvriers ont été acheminé sur le site, afin de construire un sarcophage à la va-vite. Ces intervenants ne disposaient ni d’informations sur les risques encourus, ni de protections efficaces, alors qu’ils étaient exposés à une radioactivité intense. On estime que, de 1986 à 1992, il y eut de 600 000 à 800 000 personnes, en provenance de toute l’URSS, qui se sont relayées sur le site. Ce sont les liquidateurs (en russe ликвидаторы, likvidatory).

Opérateurs de la centrale, sapeurs-pompiers, pilotes d’hélicoptères, mineurs, terrassiers, ouvriers, militaires ou civils, il avait été promis à ces intervenants des salaires plus élevés et des avantages sociaux (logements, places dans les crèches), voire symboliques (médailles et diplômes). Mais certains continuent aujourd’hui à réclamer les avantages promis.

Le bilan de la mortalité fait l’objet de controverses, le nombre des morts allant de 47 (rapport ONU de 2005) à 60 000 (« Union Tchernobyl », principale association de liquidateurs). En Biélorussie, devenue entre temps Bélarus, le Professeur Youri Bandajevsky, scientifique réputé, professeur d’anatomo-pathologie a même été arrêté le 13 juillet 1999, dans le cadre des mesures destinées à combattre le terrorisme, détenu arbitrairement, finalement accusé de corruption et condamné à 8 ans de prison. Il faut dire qu’il s’en était pris à un institut dépendant du Ministère de la Santé, l’accusant de gaspillage des fonds publics destinés à la recherche sur les conséquences de Tchernobyl.

Un film documentaire suisse sur les liquidateurs, « Le sacrifice », peut être visionné sur le site de la Cité des Sciences de La Villette :
http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/science_actualites/sitesactu/question_actu.php?langue=fr&id_article=6003&id_theme=4&prov=index

vendredi 11 mars 2011

La signification du 11 Mars en Lituanie

Force est de constater à travers les livres, médias et surtout blogs, que chacun exprime sa vérité, qui n’est pas obligatoirement la vérité. Devant les erreurs communément constatées concernant le 11 Mars 1990 en Lituanie, on me permettra donc d’exprimer ma vérité.

Le 11 Mars est, en Lituanie, le « Lietuvos Nepriklausomybės atkūrimo diena », c’est-à-dire le Jour de la restauration de l’indépendance de la Lituanie.

En effet, le 11 mars 1990 à 22 heures 44, le Soviet Suprême de la Lituanie adopte l'Acte de rétablissement de l'État indépendant de Lituanie (photo ci-dessous). Dans la salle des sessions plénières, le drapeau tricolore couvre les armoiries de la Lituanie soviétique. Le Soviet, devenu la Diète Reconstituante, proclame le retour en vigueur de la Constitution de 1938 de la République de Lituanie. On doit interpréter ce fait comme le moyen de démontrer au monde entier la continuité de la souveraineté de la Lituanie, interrompue par 50 ans d’occupation soviétique.

Cela ne signifie pas, comme j’ai pu le voir ici ou là, y compris dans des publications réputées sérieuses :

# Que le retour à l’indépendance date d’Aout 1991 lorsque l’URSS, après l’étrange putsch de Moscou, a daigné la reconnaître. Ce qui passerait sous silence la longue lutte du peuple lituanien pour recouvrer lui-même sa liberté. Pour mémoire, on rappellera que l’Islande fut la première à reconnaitre ce retour à l’indépendance dès le 11 Février 1991.

# Qu’il s’agit d’une deuxième indépendance. Outre que le Grand-duché de Lituanie a été un État souverain de 1253 à 1795, le fait de dire que le 11 Mars 1990 est une nouvelle indépendance, après celle de 1918 – 1940, accrédite l’affabulation, encore en vigueur dans la Russie d’aujourd’hui, que les États baltes auraient rejoint l’U.R.S.S. de leur plein gré et qu’il n’y aurait pas eu d’occupation.

Par ailleurs, si vous interrogez un site tel que L’Internaute pour savoir ce qui s’est passé dans le monde un 11 Mars, il vous répondra : 1978, mort de Claude François électrocuté dans son bain ; 1985, Gorbatchev devient nº 1 de l’URSS après la mort de Tchernenko ; et puis plus rien d’important jusqu’en 2004 ! No comment.

Bonne fête aux Lituaniens et à leurs amis.

mardi 8 mars 2011

Ukraine – 9 Mars 1814 : naissance de Tarass Chevtchenko

Tarass Chevtchenko (Тарас Григорович Шевченко – ci-dessous) est généralement considéré comme le plus grand poète de langue ukrainienne. Egalement peintre et humaniste, il est plus que tout ça : une icône de la culture ukrainienne, symbole du réveil national de son pays au XIXe siècle.

Tarass Chevtchenko est né le 9 Mars 1814 à Moryntsi (région de Kyīv), alors empire russe, dans une famille de paysans serfs. Devenu orphelin à l’âge de 12 ans, il travaille et étudie chez un diacre puis, à 14 ans, devient serviteur chez un seigneur nommé Pavel Engelhardt, avec qui il part à Vilnius. La femme d’Engelhardt, ayant distingué des dispositions du jeune Tarass pour la peinture, obtient qu’il suive les cours du peintre Yan Roustem à l'Université de Vilnius. Suivant son maitre à Saint-Pétersbourg, c’est le peintre et professeur Karl Briullov qui rachète la liberté de Tarass Chevtchenko le 5 Mai 1838.

Peu après, Tarass Chevtchenko s'inscrit à l'Académie impériale des Beaux Arts de Saint-Petersbourg et y fait ses études, toujours sous la direction de Briullov. En 1840 sa première collection de poésie, Kobzar (Le Barde), composée de huit poèmes romantiques, fut publiée à Saint-Petersbourg.

Après avoir terminé ses études à l'Académie des beaux arts en 1845, il devint membre de la Commission d'archéologie de Kyīv et voyagea partout en Ukraine pour esquisser des monuments historiques, architecturaux et recueillir les traditions folkloriques. Au même moment, scandalisé par l'oppression tsariste et la destruction de son Ukraine natale, il écrivit certains de ses poèmes d'histoire les plus satiriques et politiquement subversifs.

En 1846, Chevtchenko rejoint la Confrérie de Cyrille et Méthode, organisation politique secrète qui avait pour objectif d'abolir le servage et d'établir l'égalité sociale. Comme les autres membres de la fraternité, il fut arrêté le 5 avril 1847 et mis en prison à Saint-Pétersbourg, puis condamné à servir comme simple soldat dans un régiment spécial à Orenbourg, une région lointaine près de la Caspienne. Le tsar Nicolas Ier en personne donna l'ordre d'interdire à Chevtchenko d'écrire et de peindre, mais il réussit toutefois à continuer de peindre et d'écrire en cachette.

En 1850, Tarass Chevtchenko fut transféré à la forteresse de Novopetrovskoe, où les consignes sur sa captivité furent plus durement respectées. Malgré tout, il réussit à créer plus de cent aquarelles et dessins, et écrivit également plusieurs nouvelles en langue russe. Il fut libéré de son exil militaire en 1857, deux ans après la mort de Nicolas Ier, mais fut interdit de vivre en Ukraine. Après avoir passé une grande partie de ses années à Nizhniy Novgorod (au bord de la Volga), il rejoignit Saint-Pétersbourg. Ce n’est qu’en 1859 qu’il obtint l'autorisation de rendre visite à ses parents et à ses amis en Ukraine. Mais il y fut retenu, interrogé, puis renvoyé à Saint-Pétersbourg. Tarass Chevtchenko resta sous la surveillance de la police jusqu'à sa mort, le 10 Mars 1861.

Il fut enterré à Saint-Pétersbourg, mais deux mois plus tard, conformément à ses vœux, ses restes furent transférés en Ukraine. Le peuple ukrainien organisa à son poète de grandes funérailles et sa dépouille fut inhumée sur Chernecha Hora (la Montagne du Moine) près de Kaniv, une ville proche de son lieu de naissance. Depuis, sa tombe est considérée comme un lieu de pèlerinage par des millions d'Ukrainiens (Remarque: Pour l’ascension du mont où se trouve la tombe du poète, il faut gravir un escalier de 365 marches……).

Sa vie tragique et son amour pour son pays et sa langue reflètent dans l'imaginaire de ses compatriotes le destin du peuple ukrainien qui lutta à travers des siècles pour sa culture et sa liberté.

A Paris, un buste (ci-dessus), dans un square adossé à l’église catholique ukrainienne St-Volodymyr, au carrefour du boulevard St-Germain et la rue des Saints Pères, rappelle le souvenir du poète national ukrainien. La diaspora ukrainienne s’y réunit régulièrement.


 

dimanche 6 mars 2011

Lettonie - 6 Mars 1919 : mort du Colonel Oskars Kalpaks


Ce n’est faire injure à personne que de dire que, en dehors de la Lettonie, peu de gens connaissent le Colonel Oskars Kalpaks (6 Janvier 1882 – 6 Mars 1919 – photo ci-dessous). Pourtant, cet officier eut un rôle majeur au cours de la guerre d’indépendance de la Lettonie.

Né dans la région de Lubāna (est de la Lettonie, alors dans l’empire russe), il avait décidé de devenir soldat et, après l’académie militaire d’Irkutsk, il rejoignit le 183e Régiment d’Infanterie de Pultusk et se conduit en chef héroïque pendant la Première Guerre mondiale. Il fut nommé commandant de Régiment en 1917 et décoré des plus hautes décorations militaires russes.

Mais, après la déclaration d’indépendance de la Lettonie (18 Novembre 1918), il organise la défense de la Vidzeme (région au nord de la Daugava) contre les bolcheviques, puis, le 31 Décembre 1918, il est nommé commandant-en-chef de toutes les unités armées à la disposition du Gouvernement provisoire de Lettonie. Kalpaks est nommé Colonel le 28 Février 1919.

De Janvier à Mars 1919, il combat à la tête du 1er Bataillon letton indépendant (1. Latviešu atsevišķais bataljons), en compagnie du IVe Corps de réserve allemand, afin de repousser les raids des bolcheviques en Kurzeme (Courlande). (NB : Après l’armistice du 11 Novembre 1918, les puissances alliées avaient demandé aux forces allemandes de rester sur place afin de défendre les Etats baltes contre les bolcheviques).

Le Colonel Oskars Kalpaks fut tué le 6 Mars 1919 au cours d’une escarmouche à Airīte (près de Saldus) contre des corps francs allemands (Eiserne Brigade = Brigade de fer), en principe alliés, mais dont l’objectif était surtout de rétablir les « Barons baltes » dans leurs prérogatives dominatrices.

Après sa mort, Oskars Kalpaks a reçu à titre posthume l’ordre letton de Lāčplēsis, et il fut considéré comme le premier Commandant-en-chef de l’Armée lettone. Un mémorial (ci-dessous) commémore sa mémoire dans le parc de l’Esplanāde à Riga (non loin de l’hôtel Radisson Latvija) depuis le 22 Juin 2006.


vendredi 4 mars 2011

4 Mars 1877 : naissance de Pavel Bermont-Avalov

Après qu’eut été signé l’armistice du 11 Novembre 1918, mettant fin à la Première Guerre Mondiale, la Commission militaire interalliée insista pour que les unités allemandes restent stationnées dans les pays baltes, avec pour mission d’empêcher que la région ne passe sous le contrôle de l’Armée rouge.

Bien qu’ayant proclamé son indépendance le 18 Novembre 1918, et en dépit de la présence des troupes allemandes, la toute jeune République de Lettonie sera presque totalement occupée par l’Armée rouge au 31 Janvier 1919. Le gouvernement provisoire letton dut se réfugier à Liepāja et fut même installé pendant un certain temps sur un bateau à vapeur, le « Saratov », protégé par la marine britannique.

Le 6e Corps de réserve allemand et divers corps francs (au total 22 000 hommes) sont, à partir du 1er Février 1919, aux ordres du Général Gustav Adolf Joachim Rüdiger, Graf von der Goltz (ci-dessus). A partir du 3 Mars 1919, les forces allemandes et lettones reprennent conjointement l’offensive. Une fois les bolcheviques repoussés, von der Goltz est sommé de quitter le pays avec les troupes allemandes sous son commandement. Bien qu’il ait argué que ça laisserait les mains libres à l’Armée rouge, von der Goltz doit rendre son commandement le 12 Octobre 1919. Ses troupes soit se désagrègent, soit rejoignent l’Armée russe des volontaires de l’ouest de Pavel Bermondt-Avalov. Ce faisant, les soldats allemands deviennent automatiquement russes, et leur présence ne contredit donc plus les conditions d’armistice !

Pavel Rafalovitch Bermont-Avalov (Павел Рафалович Бермонт-Авалов – photo ci-dessous) était né à Tbilissi le 4 Mars 1877. Il doit son second nom à son père adoptif, le prince géorgien Mikhail Avalishvili. Il reçut une éducation musicale, devenant chef d’orchestre de cosaques du Transbaïkal. La déclaration de guerre en 1914 le voit capitaine de lanciers. On le retrouve en 1918 Major-Général, commandant l’Armée russe des volontaires de l’ouest, destinée en principe à combattre les bolcheviques, mais s’opposant de facto aux jeunes démocraties baltes. Le Capitaine Vanlande, de la Commission interalliée chargée du contrôle de l’évacuation des provinces baltiques le traite de « colonel d’opérette et prince de comédie {…} mais bien soldat de fortune, aventurier, mégalomane en crise permanente, ex-chef d’orchestre dit la légende ».

Le tournant de cette guerre aura lieu le 11 Novembre 1919, lorsque l’Armée lettone, avec l’appui d’une escadre franco-britannique, aux ordres de Capitaine de vaisseau Brisson, repoussera les Bermontiens de Riga (cf. ci-dessous la plaque commémorative apposée sur la muraille du château présidentiel).

Après une ultime défaite le 22 Novembre près de Radviliškis, en Lituanie, Bermondt-Avalov émigrera en Europe de l’ouest, vivant à partir de 1921. Arrêté par les nazis en 1936, il fut déporté à Belgrade, avant de partir aux USA. Il meurt à New-York le 27 Janvier 1974.