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mercredi 26 janvier 2011

26 Janvier 1921: reconnaissance de jure de la République de Lettonie


Le 26 Janvier 1921, le Président de la Conférence interalliée, Aristide Briand, Président du Conseil français et en même temps Ministre des Affaires Etrangères, adressait à M. Olģerts Grosvalds, représentant diplomatique letton en France depuis Juillet 1919, président de la Délégation lettone à la conférence de Paris la lettre suivante :

Monsieur le Président,
Le Conseil suprême des Puissances alliées, prenant en considération les demandes présentées à diverses reprises par votre Gouvernement, a décidé, dans sa séance d'aujourd'hui, de reconnaître la Lettonie comme Etat de jure.
Les Puissances tiennent à marquer par là la sympathie qu'elles éprouvent pour le peuple letton et à rendre hommage aux efforts qu'il a accomplis, afin d'organiser dans l'ordre et la paix sa vie nationale.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, les assurances de ma haute considération.
A.Briand

C’est un changement d’attitude car, depuis la fin de la guerre en Novembre 1918, la reconnaissance des nouveaux Etats issus de l’ancien Empire russe ne fait pas partie des priorités de la France, plus préoccupée par contrer l’expansion du bolchevisme en soutenant les Russes blancs.   

D’après M. Grosvalds, la séance se serait passée ainsi :
« A la séance du Conseil suprême, "…Aristide Briand avait invité ses collègues à se prononcer sur la question de la reconnaissance des Etats baltes et de la Géorgie, en exprimant lui-même une opinion favorable. Le ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni, Lord Curzon, qu'on ne pouvait pas regarder comme un ami des petites nations, s'opposa vivement et proposa de remettre la question. Alors le délégué de l'Italie, le comte Sforza, prit la parole et déclara que le gouvernement italien était décidé à accorder la reconnaissance et qu'il agirait seul, même si les autres délégués s'y opposaient. "L'Italia farä da Sé!" En ce moment critique, Lloyd George, président du conseil de Grande-Bretagne, prononça des paroles conciliantes, en contradiction avec son propre ministre des Affaires étrangères, et exprima l'opinion qu'il était inutile d'attendre et que l'on pouvait accorder la reconnaissance tout de suite. Ainsi l'unanimité fut obtenue…" Etaient présents les représentants de la Belgique et du Japon. L'Italie avait déjà soutenu les Etats baltes lors de la session de la Société des Nations ». 

Afin de marquer le rôle de la France dans le processus de reconnaissance de la Lettonie il y a 90 ans, une conférence-débat a eu lieu hier, 25 Janvier, au Ministère letton des Affaires Etrangères, sur le thème « La reconnaissance de jure de la Lettonie. Regards croisés ». 

Les regards croisés étaient ceux de :
     # Pour la France, Julien Gueslin, Agrégé et Docteur en histoire, Prix Duroselle 2005 pour sa thèse soutenue en décembre 2004 sur « La France et les « petits Etats » baltes : réalités baltes, perceptions françaises et ordre européen (1920-1932) »
     # Pour la Lettonie, Ēriks Jēkabsons, Docteur en histoire, Professeur associe de la Faculté d’Histoire et de Philosophie de l’Université de Lettonie.

Le débat était modéré par S.E. M. Rolands Lappuķe, actuel Ambassadeur de Lettonie en Espagne et ancien Ambassadeur de Lettonie en France. (Sur la photo ci-dessous, on reconnaît de gauche à droite Julien Gueslin, S.E. Rolands Lappuķe et Ēriks Jēkabsons). L’événement a été ouvert par le Ministre letton des Affaires Etrangères, M. Ģirts Valdis Kristovskis et par S.E. Mme Chantal Poiret, Ambassadeur de France en Lettonie.

lundi 24 janvier 2011

Conférence le 24 Mars à Kaunas sur Louis XVIII

Dans le cadre du Mois de la Francophonie organisé par le Centre Robert Schuman de Kaunas, je ferai le 24 Mars 2011 à 17H30 une conférence sur le thème :

« Louis XVIII: un SDF royal en Courlande »

Sous ce titre quelque peu accrocheur, j’évoquerai l’errance du comte de Provence, frère de Louis XVI, qui, en même temps que celui-ci, s’enfuit de France le 20 Juin 1791 et qui, jusqu’en 1814, ne va subsister que grâce à l’aide des cours européennes. Mons, Coblence, Hamm (en Westphalie), Turin, Vérone, Blankenburg (duché de Brunswick) vont ainsi l’accueillir, avant qu’il ne s’installe le 29 Mars 1798 à Mitau, l’actuelle Jelgava, dans l’ancien palais des Ducs de Courlande (ci-dessous) mis à sa disposition par le Tsar Paul 1er.   

Expulsé le 20 Janvier 1801 vers Varsovie en raison de l’intempérance de langage de son confident, le Marquis d’Avaray, celui qui est officiellement le Roi Louis XVIII depuis le 8 Juin 1795 va connaître une traversée mouvementée de la Lituanie (cf. ci-dessous, marchant pendant deux heures dans la neige avec sa nièce Marie-Thérèse-Charlotte) pour rejoindre Varsovie, alors en territoire du royaume de Prusse. 

En Septembre 1804, Louis XVIII est de nouveau expulsé, cette fois par le Roi de Prusse qui s’est lassé de ces Français turbulents, et il doit attendre plusieurs semaines dans un modeste manoir à Blankenfeld (à proximité de l’actuelle frontière lituano-lettone, ci-dessous) que le nouveau tsar Alexandre 1er l’autorise à séjourner de nouveau à Mitau / Jelgava.  

Les troupes napoléoniennes étant arrivées sur le Niémen en Juin 1807, c’est de lui-même que Louis XVIII, sentant que son emplacement devenait inconfortable, quittera Mitau le 3 Septembre 1807 pour, via le port de Liebau (Liepaja), rejoindre l’Angleterre.  

Pour en savoir plus, rendez-vous le 24 Mars à 17H30 au Centre Robert Schuman, 43 rue Gedimino, salle 102, à Kaunas. Entrée gratuite. Conférence en Français, avec traduction assurée en Lituanien.

samedi 22 janvier 2011

22 Janvier: Jour de l’Unité en Ukraine


Le 22 Janvier, les Ukrainiens célèbrent le Jour de l’Unité (День Соборності / Den Sobornosti). Ce jour fait référence au 22 Janvier 1919 lorsque la République Nationale Ukrainienne (Українська Народня Республіка, Ukrayins’ka Narodnia Respublika) et la République Nationale Ukrainienne de l’Ouest (Західно-Українська Народна Республика, Zakhidno-Ukrayins’ka Narodna Respublyka) ont signé l’Acte d’Unification (Акт Злуки, Act Zluky) sur la Place Sainte-Sophie à Kyiv (Kiev – cf. ci-dessous). 
 Cet accord avait pour but de créer un Etat ukrainien unifié avec les territoires ukrainiens issus de la Russie tsariste et du défunt Empire austro-hongrois. Mais cette unité était purement symbolique, chacun des gouvernements gardant sa propre armée, sa propre administration et sa propres structure gouvernementale (cf. carte).

En tout état de cause, comme parallèlement les Allemands se retirèrent, on assista rapidement à un affrontement généralisé mettant aux prises les Russes blancs de Denikine (soutenus par les Franco-britanniques), les bolcheviks, l’armée ukrainienne de Simon Petlioura (un des personnages les plus importants du mouvement national) et la Makhnovchtchina anarchiste ! 

Vers la fin de 1919 et la première moitié de 1920, les Bolcheviks finirent par l’emporter sur les autres belligérants, et la partie ex-russe de l’Ukraine, avec Kyiv pour capitale, fut intégrée à l’URSS créée le 30 Décembre 1922, tandis que la partie ex-autrichienne, avec Lviv pour ville principale, fut  intégrée à la Pologne en 1921.

Le 22 Janvier 1990, pendant donc la période soviétique, afin de marquer le 71e anniversaire de la signature de l’Act Sluky, 300 000 Ukrainiens ont formé une chaîne humaine entre Kyiv et Lviv (environ 482 km), à l’image de la Voie Balte du 23 Août 1989. Ce fut la première de manifestation de masse depuis le début de la glasnost, au cours de laquelle sera arboré, pour la première fois depuis 1922, le drapeau national ukrainien jaune et bleu.

 

Den Sobornosti est le symbole de l’unité territoriale et spirituelle de l’Ukraine. Mais, comme le dit le « Kyiv Post », que serait une fête nationale en Ukraine sans une petite controverse ? 

Par un décret du 21 Janvier 1999, le Président ukrainien de l’époque, Leonid Kuchma, avait fait de ce jour une Fête Nationale. Mais, en cette année 2011, les partisans du « nouveau » Président Viktor Yanukovych se réuniront sur la Place de l’Indépendance (Maidan Nezalezhnosti) et ceux de l’ancien Premier Ministre Yulia Tymoshenko sur la Place Sainte-Sophie. Comme symbole d’unité, on peut faire mieux !

jeudi 20 janvier 2011

Janvier 1991: le temps des barricades à Riga


Le mouvement d’indépendance de la Lettonie sous occupation russo-soviétique débuta en 1987 avec la commémoration des déportations du 14 Juin 1941 par le Mouvement Helsinki-86 (Cilvēktiesību aizstāvības grupa, Groupe de Défense des Droits de l'Homme). Encouragé par la glasnost de Mikhaïl Gorbatchev, les partis prônant l’indépendance, regroupes dans le Front Populaire de Lettonie (Latvijas Tautas Fronte) gagnèrent les élections au Soviet Suprême de la RSS de Lettonie le 18 Mars 1990. Le Soviet Suprême, devenu le Conseil Suprême de la République de Lettonie proclama la restauration de l’indépendance de la Lettonie le 4 Mai 1990

Comme ça ne faisait pas l’affaire de l’URSS, celle-ci, plutôt que d’employer la manière forte comme à Budapest en 1956 et à Prague en 1968, essaya de faire fomenter des troubles par les Lettons opposés à l’indépendance, l’Interfront (Latvijas PSR Internacionālā Darbaļaužu fronte, Interfronte) et le Parti communiste de Lettonie (Latvijas Komunistiskā partija, LKP), dont les leaders d’alors (respectivement Tatyana Zhdanok et Alfrēds Rubiks) sont aujourd’hui … députés européens ! 

Une série d’attentats eut lieu en Décembre 1990 afin de déstabiliser le Gouvernement letton, attentats attribués aux nationalistes, mais le Maréchal de l’Union soviétique Dmitry Yazov reconnut par la suite qu’au moins l’un d’entre eux avait été perpétré par l’armée sovietique. Parallèlement les troupes du KGB (service de renseignement à multiples fonctions) et les OMON (forces spéciales du Ministère de l’Intérieur soviétique), montraient leurs muscles, notamment le 23 Décembre 1990 à Jūrmala. 

Le 2 Janvier 1991, les OMON s’emparèrent de la Maison de la presse (Preses Nams) puis, le 4 Janvier, du central téléphonique de Vecmīlgrāvis (faubourg au nord de Riga). Les officiers OMON déclarèrent que Boris Pugo (Ministre de l’Intérieur de l’URSS, ancien Premier secrétaire du PC letton) et Mikhaïl Gorbatchev  avaient été mis au courant, ce que ceux-ci nièrent. Le 10 Janvier, plusieurs rassemblements, aussi bien pro qu’anti indépendance eurent lieu, les manifestants de l’Interfront essayant de pénétrer dans le bâtiment du Cabinet des Ministres. 

Dans la nuit du 12 au 13 Janvier 1991, les forces soviétiques attaquèrent la tour de télévision de Vilnius, faisant 14 morts parmi la population sans armes. Apprenant cela, le Front Populaire de Lettonie appela, le 13 janvier à 4H45 du matin, la population à se rassembler sur la place de la cathédrale (Doma laukums). Dans l’après-midi, des barricades furent érigées (cf. ci-dessous) et les bâtiments gouvernementaux protégés par des dizaines de milliers de personnes.  

A partir du 14 Janvier, les attaques des OMON se succédèrent, notamment sur les ponts de Brasa et Vecmīlgrāvis (un civil, Roberts Mūrnieks, y fut tué le 16 Janvier) et contre l’Académie Militaire.

Le 20 Janvier au soir, alors que 100 000 personnes avaient manifesté à Moscou en soutien des Etats Baltes, les OMON et d’autres groupes de combat non identifiés attaquèrent le Ministère de l’Intérieur (à côté de l’actuelle Ambassade des Etats-Unis), tuant dans le parc de Bastejkalns deux Officiers de la milice, un écolier et deux cameramen de télévision, ceux-ci, n’étant pas dans les tirs croisés des combats, ayant été délibérément abattus (ci-dessous, une des pierres commémoratives). Le 21 Janvier, un défenseur était encore tué sur une barricade. 

Devant la réprobation internationale, y compris dans la RSS de Russie de Boris Eltsine (qui dès le 13 Janvier, avait condamné l’attaque de Vilnius et avait reconnu la souveraineté des Etats Baltes), les attaques s’arrêtèrent le 25 Janvier mais le gouvernement letton continua d’être harcelé jusqu'à l’échec du putsch de Moscou des 19-20 Août 1991.

Cette tentative de reprise en main en Lituanie (13 Janvier 1991) et en Lettonie (20 Janvier 1991) , après celle de l'Azerbaïdjan (20 Janvier 1990 – 187 morts), au moment où le monde entier avait les yeux tournés vers le déclenchement de la première guerre du Golfe (17 Janvier) ne pouvait être que coordonnée depuis Moscou. Le « bon » Monsieur Gorbatchev, Prix Nobel de la Paix 1990, chouchou des Occidentaux, concentrant à l’époque les pouvoirs de Secrétaire général du parti communiste d’Union soviétique et de Président de l’URSS, porte indubitablement une écrasante responsabilité dans ces massacres de civils. 







jeudi 13 janvier 2011

Le Blog: bientôt le retour !




Je vous avais annoncé, le 31 Décembre 2010, une pause de ce Blog pour un temps de réflexion sur son devenir. J’ai d’ailleurs tenu compte des remarques sensées que certains m’ont adressées. 

Plusieurs solutions s’offraient à moi :

   # Arrêter totalement. La face du monde n’en aurait pas été changée.

   # Continuer « comme avant » : vous avez compris que ça ne m’intéressait plus.

   # Fermer ce Blog et en ouvrir un uniquement consacré à l’histoire de la Lettonie. Le problème est que, dans ce cas, les lecteurs auraient pu se réunir dans une cabine téléphonique ……  

   # Continuer ce Blog en réduisant la fréquence des articles et en me focalisant sur des articles de fond. 

C’est cette dernière option que j’ai choisie. Je pense poster en moyenne une fois par semaine, mais sans que ce soit une charge, principalement sur l’histoire de la Lettonie et sur la géopolitique actuelle impliquant la Lettonie. Exit donc les propos de « café du commerce » sur la météo ou les accidents de la route, exit aussi les bourdes (encore que, vues les réactions de certains, il y aurait de quoi faire !). Ce qui ne changera pas, c’est qu’on ne m’empêchera pas d’exprimer mes convictions. Toutefois, je ne répondrai plus systématiquement aux commentaires.  

Rendez-vous donc sous peu, le temps de poser mes valises à mon retour à Riga.